L’indispensable exception culturelle

Trois événements se télescopent qui mettent en évidence le caractère crucial de l’exception culturelle pour assurer l’existence de la création européenne. Il y a d’abord le festival de Cannes qui vient de s’ouvrir en soulignant la vitalité du cinéma français. Rien de moins que six films dans la compétition officielle, mais une foule d’autres dans les différentes sections et des cinéastes du monde entier qui ne sont présents à Cannes qu’à travers la production ou la coproduction française. Cette richesse et cette diversité ne sont possibles qu’à travers le financement public, la règle de quotas télévisuels et la taxation des entrées notamment sur les super productions hollywoodiennes. Le modèle unique du fonctionnement du CNC – le Centre National de la Cinématographie- assure la vivacité du cinéma français alors que les autres grandes cinématographies européennes ont péri corps et bien face à la concurrence américaine.

Rien de tout cela ne serait encore possible sans le maintien de l’exception culturelle menacé par les futures négociations de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis. Le deuxième événement est donc cette lettre initiée par la ministre de la culture, Aurélie Filippetti et co-signée, cette semaine, par les représentants de treize pays européens, dont la Belgique. Tous réclament que soit « pleinement maintenue la position constamment réaffirmée de l’Union, qui a toujours exclu, au sein de l’Organisation mondiale du commerce comme dans les négociations bilatérales, les services audiovisuels de tout engagement de libéralisation commerciale ». Mais la bataille sera rude car la Commission et en particulier Karel De Gucht, le commissaire au commerce ne l’entendent pas de cette oreille et se placent dans une logique purement libérale.

Troisième élément, enfin, le rapport que Pierre Lescure vient de déposer sous le titre de « Contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique ». Document important de 80 propositions sur 700 pages. Sans entrer, ici, dans les détails, disons simplement qu’il permet de repenser le droit d’auteur à l’heure du numérique et de préserver du même coup les potentialités de la création sur la toile. Pour boucler la boucle, cette mission confiée à l’ancien PDG de Canal + avait précisément pour titre « Acte 2 de l’exception culturelle »…

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