Italie : raid fasciste et « bombe sociale »

La question migratoire hantait la campagne électorale depuis des semaines. Elle explose après le raid meurtrier du tireur nazi à Macerata, dans les Marches, région du centre de l’Italie. Samedi dernier, un jeune homme, Luca Traini, a tiré sur des migrants africains, en en blessant six. Il s’est ensuite ceint d’une écharpe tricolore et a fait le salut fasciste avant de se rendre à la police. Il disait vouloir venger le meurtre d’une Italienne de 18 ans pour lequel avait été interpellé un migrant nigérian. Le tireur est connu comme militant de la Ligue du Nord dont il a été candidat aux dernières élections communales. Il est tout aussi connu pour ses sympathies nazies qu’il affiche sur ses tatouages et par ses déclarations tonitruantes. Ce n’est pas la première fois que des migrants sont victimes de violences dans la péninsule. Mais à un mois des élections, encore plus que les balles de Traini, ce sont les mots de la droite et de l’extrême droite qui expriment une violence anti-immigrée encore jamais atteinte. La concurrence entre les trois partis qui forment la coalition dirigée par Silvio Berlusconi provoque une véritable surenchère verbale de la haine. La coalition est en tête dans les sondages, mais la primauté en son sein demeure incertaine.

Traiani, le nazi candidat de La Lega Nord aux communales de 2017

Certes, tous ont condamné rapidement le geste d’un  « déséquilibré », mais c’était finalement pour mieux le justifier ou l’excuser. « La responsabilité morale de chacun des actes de violence qui se produisent en Italie revient à ceux qui ont rempli de réfugiés notre pays » s’est exclamé Matteo Salvini, le leader d’une Ligue du Nord qui est sans doute devenue le parti d’extrême droite le plus radical d’Europe occidentale. Depuis le début, Salvini, qui promet des expulsions de masse s’il arrive au pouvoir, a fait de l’immigration le centre de sa campagne. Ses alliés et concurrents ne sont pas en reste. Berlusconi a qualifié la question migratoire de « bombe sociale » et a promis de son côté 600.000 expulsions. Quant à Giorgia Meloni, la dirigeante des « Fratelli d’Italia » (post-fascistes) troisième partenaire de cette coalition d’une radicalité à droite inédite en Italie, elle a jouté : « Voilà ce à quoi est réduite l’Italie aux mains de la gauche ». Ces dérapages calculés témoignent d’un climat de violence haineuse cultivée par la droite et l’extrême-droite. Mais celles-ci ne sont les seules en cause. Le Mouvement des Cinque Stelle (M5S) qui s’oppose depuis toujours au droit du sol ne manque pas une occasion de manifester son hostilité aux migrants. Ce qui le rapproche sur ce chapitre (notamment) de la Ligue du Nord. En 2016, alors que le centre gauche gouvernait encore Rome et avant que la maire du M5S ne fasse la démonstration de sa propre incompétence, le mouvement de Beppe Grillo réclamait des élections « avant que Rome ne soit submergée par les ordures, les rats et les clandestins »…

Salvini, Berlusconi, Meloni : la course à droite toute

Face à l’exaspération des Italiens qui se sentent — à juste titre — abandonnés par l’Union Européenne pour faire face à la question de la migration, le centre gauche a lui aussi contribué au développement d’un contexte où tous les discours semblent permis. En juillet 2017, Matteo Renzi, premier ministre PD, déclarait : «  Nous devons nous libérer de notre sentiment de culpabilité. Nous n’avons pas le devoir moral d’accueillir en Italie les personnes qui vivent plus mal que nous. » De son côté, le ministre PD de l’intérieur de l’actuel gouvernement Gentiloni a cultivé une image intransigeante vis-à-vis de l’immigration. Marco Minitti, ancien cadre du PCI, proche des services secrets, est l’une des figures les plus populaires en Italie. C’est lui qui s’en est pris aux ONG qui recueillaient les réfugiés en perdition. C’est lui aussi qui a négocié avec différentes milices libyennes la délégation de la lutte contre le passage des clandestins. Avec  pour conséquence la création des camps dont on a découvert les insupportables conditions de détention, mais aussi  l’exacerbation des rivalités claniques qui n’en finissent pas de déstabiliser un peu plus la Libye.

Tous les ingrédients étaient réunis pour que la question migratoire soit au centre de la campagne électorale avec les effets dramatiques que l’on vient de vivre et des conséquences politiques que l’on ne mesurera qu’au lendemain du 4 mars.

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