France : «gauche du réel », réalité de la droite

On connaissait déjà la « socialisme du réel », dans un autre genre et à une autre époque, voici « la gauche du réel » inventée par François Rebsamen, ancien ministre du travail de François Hollande et actuel maire PS de Dijon. C’est dans une tribune du Monde que ce proche du président de la République, après avoir été celui de Ségolène Royal dont il codirigera la campagne présidentielle en 2007, initie cette nouvelle appellation qu’il oppose « aux théoriciens nostalgiques d’une gauche idéaliste qui, juchée sur l’Aventin de ses certitudes, regarde avec mépris la gauche de gouvernement qui agit sur le concret de ses concitoyens ». [[Le Monde du 23 février 2016]] Relevons au passage qu’avant d’être celui des « certitudes », L’Aventin, une des sept collines de Rome, fut le lieu de repli de la plèbe qui revendiquait ses droits d’élire des représentants face à ceux du patriciat.

La tribune que publie François Rebsamen est une défense et illustration de ce qu’il considère les « réformes de justice sociale menées à bien » par François Hollande depuis 2012. Et cela au moment où la politique Hollande-Valls-Macron, avec la réforme du Code du travail, va au-delà même des espérances du MEDEF et des audaces du sarkozysme. Ce qu’aucun gouvernement de droite n’aurait osé, la « gauche du réel » l’offre au patronat français : la modification de la durée légale du temps de travail, la diminution de la rémunération des heures supplémentaires, les facilités de licenciement (notamment avec le plafonnement des indemnités prud’homales) sans oublier l’affaiblissement des positions syndicales par la primauté donnée aux referendums au sein des entreprises. Voilà le triomphe de la flexibilité. Mais comme dit François Rebsamen : « la gauche du réel, c’est celle qui défend notre modèle social tant malmené par la droite ». Aujourd’hui même la CFDT ne peut que s’insurger…

« E pur si muove »… quelques heures après avoir publié ce texte, Rebsamen s’est senti obligé de prendre quelques distances avec le projet de celle qui lui a succédé, au Ministère du Travail, Myriam El Khomri, qui demeure pourtant dans la logique qu’il a lui-même contribué à construire. Les quelques réserves du Maire de Dijon ne changeront rien à l’affaire mais elles témoignent du grand désarroi où se trouve plongé un PS appelé à approuver son propre enterrement idéologique. Encore qu’on ne lui demandera sans doute pas avis et que le gouvernement n’hésitera pas à utiliser l’article 49-3 de la Constitution qui permet d’adoption d’un projet de loi sans vote sauf motion de censure du gouvernement. Quand la « gauche du réel » devient la réalité de la droite…

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