Au-delà de Berlusconi, le changement

Lundi dernier les places d’Italie résonnaient de fêtes qui avaient un air de libération. Comme la respiration qui se libère après une longue période de suffocation. Il faut toujours être très prudent quant aux annonces mille fois claironnées de la fin de Berlusconi. Cette fois, pourtant, on peut parler de l’épuisement d’un cycle. Comme l’écrivait Ezio Mauro, le directeur de La Repubblica , « la flute enchantée s’est brisée », la musique berlusconienne est devenue inaudible et le Cavaliere qui ne jurait que par ce peuple qu’il opposait à toutes les institutions est désormais incapable d’entendre sa voix. Les referendums ont toujours joué un rôle crucial dans la succession des séquences historiques de l’Italie.

Le désaveu référendaire sans faille opposé à Berlusconi succédant à la défaite du récent scrutin administratif est essentiel à plus d’un égard. Les Italiens qui boudaient les consultations populaires depuis 15 ans se sont, cette fois, massivement mobilisés non pas pour ou contre un homme ou un parti mais sur des questions de fond porteuses de valeurs fondamentales pour une démocratie et révélatrices de l’état culturel d’une société. En refusant la privatisation de l’eau, la majorité des Italiens a, en quelque sorte, inversé le courant. Depuis 20 ans le berlusconisme avait imposé le secteur privé et l’individualisme absolu comme un modèle indépassable. Le refus de la privatisation de l’eau ne peut être que le fruit d’une lente maturation. Celui du nucléaire traduit le souci du temps long contre l’obsession des besoins immédiats. Le rejet de la loi qui assurait un bouclier judiciaire à Berlusconi et à ses ministres met à la première place la volonté d’un retour à la règle et à la normalité démocratique. Il y a dans ces trois affirmations un renversement du discours dominant.

«Papa, et le dessin ? Que ceux qui ont perdu, le fassent…Moi, je vais danser.»
Staino dans L’Unita du 14 juin 2011

Mais la manière dont s’est construit ce changement est tout aussi importante. Depuis plusieurs mois se tisse en Italie un mouvement d’opposition multiforme : manifestation des femmes, réseaux de jeunes, mobilisation intense par le net avec pour corollaire le rejet d’une télévision entièrement aux mains du pouvoir et enfin des partis d’opposition plus ou moins volontairement en retrait ou, à tout le moins, en deuxième ligne. En quelque sorte, la politique horizontale plutôt que verticale. Un phénomène similaire s’était déjà manifesté lors de la désignation des candidats- vainqueurs- aux administratives. Tour cela ne suffit pas à assurer une alternance, Berlusconi conserve un pouvoir de nuisance même si sa majorité est bord de l’implosion mais, en tous cas, les conditions du changement se dessinent. Oui, désormais on respire mieux sur les rives du Tibre.

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