Giorgia Meloni a quelques raisons de triompher. Avec la complicité d’Ursula von der Lyen, la Première ministre italienne a réussi à imposer à l’Europe son modèle migratoire tout entier centré sur un durcissement des conditions d’accueil des réfugiés et des méthodes expéditives de renvoi dans leurs pays d’origine. Le tout avec des dispositions qui ne respectent pas les droits élémentaires de celles et ceux qui ont fui leurs terres natales et développent une conception des « pays sûrs » qui ne correspond en rien à la réalité de régimes comme la Tunisie et l’Égypte à qui de surcroît les 27 confient le soin de bloquer les flux migratoires.
C’était l’un des deux objectifs de la cheffe des Fratelli d’Italia depuis son accession au pouvoir en 2022. L’autre étant d’étendre son modèle d’alliance entre l’extrême droite et la droite classique dans la plus grande partie de l’Europe et au sein même de la Commission Européenne. Les résultats des élections européennes de juin ne lui ont pas permis de concrétiser formellement cette coalition. Mais d’une part, l’évolution politique d’un grand nombre de pays a permis des victoires de l’extrême-droite tandis que la contagion idéologique de cette dernière a largement gangréné la droite classique. De plus, la position de force de Meloni au sein des instances européennes s’est confirmé en dépit du fait que son projet de coalition ait avorté et que l’Italie ait finalement voté contre la réélection d’Ursula von der Leyen. La présidente de la Commission qui durant deux ans avait fait la promotion de la cheffe du gouvernement italien ne lui a visiblement pas tenu rigueur de ce manquement. D’abord parce qu’elle n’exclut pas avoir besoin un jour des suffrages des Fratelli d’Italia en cas de crise dans la majorité actuelle et d’une éventuelle (et peu probable) rebuffade des socialistes qui, membres de la majorité, doivent avaliser la politique la plus droitière de l’histoire européenne. Ensuite parce que c’est Meloni qui a inspiré le Pacte migratoire et que selon von der Leyen, elle est porteuse de « solutions innovantes » en matière d’asile et de migration. Ce jeudi à Bruxelles, en marge du sommet des 27, et avec la présence annoncée de la Présidente de la Commission, Meloni devait organiser une réunion informelle avec les pays intéressés par ses « innovations ».
Et cela, alors que Rome venait d’inaugurer sa politique d’externalisation de la demande d’asile, en transportant 12 migrants arrêtés dans les eaux italiennes et expédiés directement dans le centre de déportation installé en Albanie, selon l’accord conclu avec Tirana dans un imbroglio juridique total et sans la moindre garantie des droits de demandeurs d’asile.(1)
Mais voilà donc cette « solution innovante » qui a déjà valu à Meloni les félicitations hongroises, la bénédiction allemande, une visite complice du nouveau premier ministre travailliste et un soutien enthousiaste du ministre de l’intérieur français qui depuis sa nomination dans le gouvernement Barnier fait la politique du Rassemblement National à la place du Rassemblement National. Nul doute que notre futur « Arizona » sera, lui aussi, à la remorque de Rome. Il n’est pas un jour sans que de nouvelles mesures anti migratoires soient prises par l’un ou l’autre des 27. La dernière en date étant tout simplement la suspension du droit d’asile annoncée par la Pologne du très libéral Tusk, en contradiction formelle avec le droit européen. Von der Leyen ajoute son écot en proposant, pour sa part, des « hubs de retour », également externalisés.
La liste des politiques qui condamnent pour longtemps le projet européen s’allonge de jour en jour : à la promesse de politique d’austérité et à la lâcheté absolue des 27 face à la guerre génocidaire menée par Israël s’ajoute encore une politique migratoire dont l’extrême droite ne rêvait même pas.
(1) Depuis la rédaction de ce Blog – le 17 octobre- la justice italienne a exigé aujourd’hui le retour des candidats réfugiés en Italie, considérant que selon les règles européennes, ils avaient fui de pays ( Egypte, Bengladesh) considérés comme non « sûrs » et qu’ils devaient pouvoir demander l’asile sur le territoire italien. Un premier échec pour Meloni qui compte bien adopter immédiatement de nouvelles règles et s’en prend avec virulence aux magistrats » de gauche ».
Belle synthèse et constat dramatique.V