Taxe Tobin : l’hommage du vice à la vertu

C’est un peu comme l’hommage du vice à la vertu ! La proposition faite la semaine dernière par José Manuel Barroso de présenter au Conseil Européen un projet de directive sur la taxation des transactions financières évoque immanquablement la célèbre maxime du duc de La Rochefoucauld dont l’intitulé complet est, je vous le rappelle : « L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu ». Comment considérer autrement la reconnaissance bien tardive de la nécessité de cette fameuse taxe Tobin que le mouvement Attac défend depuis 12 ans, surtout chez ceux qui en ont toujours dénié et le sens et la capacité d’application. Que les hérauts de l’ultralibéralisme en viennent à reconnaître la validité de cette taxe en dit long sur la profondeur de la crise du capitalisme financier. Certes on ne crachera pas sur une mesure de régularisation alors que les banques, notamment, continuent allègrement de contourner les réglementations indispensables.

Cela dit, il faut s’interroger sur la nature exacte et les modalités d’application de la proposition du président de la commission européenne. D’abord constater qu’elle vient tard, sans doute beaucoup trop tard, vu la dimension prise par la crise financière. Cette taxe s’appliquerait à toutes les transactions impliquant des opérateurs financiers européens, y compris sur les mortels produits dérivés (n’est-ce pas Dexia !) mais à des taux trop modestes de 0,1 à 0,01 % et sa portée est d’autant plus réduite qu’elle ne toucherait pas les opérations de change qui représentent près de la moitié des transactions financières quotidiennes dans le monde. Ce que suggérait, par contre, la loi belge de 2004. Une loi, qui sous condition d’application européenne,- et comme le rappelle Attac-, proposait aussi que le produit de la taxe soit affecté, entre autres, à un fonds de coopération au développement et à la promotion de la justice sociale et écologique. Ce n’est pas le cas dans la proposition Barroso qui prévoit un reversement aux Etats.

Et puis, on peut s’interroger sur l’effet d’annonce d’une telle demi-mesure au moment où les politiques d’austérité s’amoncellent sur le dos des peuples européens. Les Etats étant devenus les assureurs des banques (n’est-ce pas Dexia !), il serait décent de leur demander une modeste participation à leur propre sauvetage. Mais même incomplète et insuffisante, la proposition du président de la commission démontre que la taxe Tobin est réaliste dans son principe même. Et sur le plan des principes, c’est une inversion d’optique. Allons, Monsieur Barroso encore un effort, encore un gros effort…

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