Alain Duhamel boit du petit lait. Le subtil commentateur libéral d’un demi-siècle de la vie politique française tient « son » président. « François Hollande jette enfin le masque » écrit-il dans sa chronique hebdomadaire de Libération[[16 janvier 2014.]]. Et d’égrener toutes les caractéristiques de ce qu’il tient pour de la sociale démocratie mais qui appartiennent d’abord au social libéralisme : politique de l’offre, baisse des « charges » offertes (sans négociations préalables) au patronat, « forte » réduction des dépenses publiques, appel à la reconstitution des marges bénéficiaires des entreprises (comme si celles-ci étaient « en manque »…). Voici donc, en effet, l’arsenal livré par François Hollande lors de sa conférence de presse mais déjà annoncé lors de ses vœux du 31 décembre et présent dans le rapport Gallois sur la compétitivité de 2012, commandité et approuvé par le chef de l’État même si, à l’époque, l’heure n’était pas encore venue d’en faire un credo.
Alain Duhamel boit du petit lait et, à sa suite, le patronat français est en extase. Michel Edouard Leclerc jubile – « Hollande va faire ce que la droite n’a pas fait » – et se remet « à croire aux politiques »[[France 2, « Des paroles et des actes », 16 janvier 2014.]]. Jean-Paul Agon, patron de l’Oréal salue « un grand progrès pour la France »[[Le Monde, 17 janvier 2014.]]. E cosi via…
Peu importe que ce « tournant » constitue depuis toujours les fondamentaux idéologiques de François Hollande qui, pour accéder à la présidence, se devait de donner des gages à la gauche – les circonstances historiques et l’évolution des rapports de force peuvent aussi provisoirement modifier ces ancrages-là. Ce qui est frappant dans l’identité des socialistes français (c’est toujours leur appellation), c’est l’éternel décalage entre leur discours et leur pratique. Ils étaient déjà sociaux-démocrates quand ils s’affirmaient socialistes. Et ils appartiennent déjà au social libéralisme quand ils revendiquent enfin l’étendard social-démocrate. En quelque sorte, toujours en retard d’un discours…
Chez nous, le même la triple identité « socialiste/social-démocrate/social libérale » fonctionne sur un autre mode. Elle est organisée [En dehors la question justement posée par Henri Goldman sur la [spécificité du modèle d’organisation social-démocrate.]]sur le partage des rôles. Un jour, le Premier ministre – socialiste – Elio Di Rupo est à l’instar du Président Hollande (« Le Président des entreprises ») quand il déclare devant le parterre du Cercle de Wallonie : « C’est vous, les entrepreneurs, qui transformez les plus belles idées et les plus hautes formations en prospérité économique. Vous êtes à l’origine du bien-être de la population » [[Le Vif, 15 janvier 2014.]]. Un autre jour – ou le même – le président du parti en charge de l’idéologie (ou une Vice-première ministre chargée de la fonction au sein du gouvernement) défendra haut et fort l’identité socialiste qui ne saurait être mise en cause. Sinon par de mauvais esprits de diverses obédiences qui ne visent qu’à dénigrer un parti qui se confond largement aujourd’hui avec un appareil d’État (certes partageant le pouvoir… mais depuis trois décennies) qui ne peut plus fonctionner sur le compromis social. En fait, il faut se résoudre à ce constat désolant : ici et là, la social-démocratie n’existe plus.
PS : Il n’y a pas d’image pour illustrer cela…