Italie : la mort et la politique selon Berlusconi

On connait désormais l’histoire d’Eluana Englaro. L’histoire tragique d’une jeune femme de 37 ans dont vingt ans passés dans un coma végétatif suite à un accident. L’histoire dramatique de son père Beppino Englaro qui a lutté pendant dix ans pour obtenir une décision judiciaire permettant de mettre fin à l’acharnement thérapeutique. Finalement obtenue, on a permis à Eluana de s’éteindre lundi mais dans un climat de polémique détestable et d’une violence inouïe où les adversaires du libre choix n’ont respecté ni la jeune femme, ni son père, ni la mort, ni la vie.

Cet épisode en dit long sur l’état de la société italienne. On avait sans doute oublié plus de trente ans après les referendums sur le divorce et l’avortement, combien le poids de l’Eglise et l’interventionnisme du Vatican pèsent sur cette société même si plus de 60 % des Italiens approuvaient la décision d’arrêter la nutrition et l’hydratation artificielle d’Eluana. Au lendemain de sa mort, l’Avennire, le quotidien de la Conférence épiscopale italienne titrait « Pas morte, tuée » et évoquait ses parents en termes de « juges et de bourreaux ». Mais il y a encore plus frappant. L’instrumentalisation politique par Berlusconi et sa majorité a été d’une sauvagerie jamais vue. C’est toujours dans ce genre de circonstances que le premier ministre révèle sa vraie nature. Sur le plan personnel, l’odieux le dispute alors à la vulgarité : Berlusconi pour justifier le maintien en vie d’une jeune femme inconsciente depuis deux décennies, ira jusqu’à dire qu’on la prive d’un enfant qu’elle pourrait encore physiquement avoir.

Sur le plan politique, le chef du gouvernement a voulu forcer la constitution par un décret loi qui contredisait la décision de justice autorisant la fin des soins. Le refus du Président de la République l’en a empêché. Mais Berlusconi a indiqué une fois de plus qu’il entendait gouverner par des règles et des lois faites sur mesure pour des cas personnels et qu’il ne supportait pas les contrôles institutionnels qui garantissent l’état de droit. Au Parlement, à l’exception notable et isolée du président de la Chambre, le très digne Gianfranco Fini d’Alleanze Nazionale, les représentants de la droite ont provoqué des incidents d’une virulence rarement atteinte, traitant tous ceux qui approuvaient la décision du père d’Eluana « d’assassins ». L’exploitation cynique de la mort en politique témoigne des risques que court la vie démocratique en Italie.

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