Élections en Italie : l’échappée belle

 

Il y avait deux scrutins distincts ces 20 et 21 septembre en Italie. L’un et l’autre pouvaient influer sur le sort du gouvernement Conte. Les Cinque Stelle devaient obtenir une victoire significative au referendum sur la réduction du nombre de parlementaires qui est depuis toujours l’un de ses chevaux de bataille. D’autant que le parti de Grillo et Di Maio restait sur une série de défaites qui avaient divisé son capital électoral par deux. Mission accomplie : près de 70 % de « oui » à la proposition (avec une participation notable de plus de 53 %). Luigi du Maio exulte. Victoire à redimensionner : ce succès cache mal les résultats catastrophiques des 5 Stelle aux régionales. Certes le mouvement a imposé l’agenda, mais sans l’appui du PD qui avant l’actuelle coalition s’était toujours opposé à cette réforme et sans celui de Salvini qui s’inscrit depuis toujours dans l’anti-politique, l’issue eut été plus difficile. Votre transversal – et donc ambigu. Par ailleurs, le résultat de cette consultation laisse en héritage un problème constitutionnel inextricable — celui de la prochaine élection du président de la République désigné par le parlement (mais lequel ? l’actuel ? le réformé ?) et une question politique fondamentale, celle de la réforme électorale qui devait accompagner la modification de la représentation parlementaire et qui n’est pas résolue.

Mais c’est le résultat des régionales qui offre la vraie leçon politique. Pendant la campagne Salvini tonnait qu’il réaliserait un 7-0 : 7 victoires dans les régions concernées dont quatre étaient aux mains du centre gauche. Le verdict des urnes donne un 3-3  et le vrai perdant du scrutin est bien Salvini lui-même. Car même là où la droite l’emporte, ce n’est pas sous la houlette de la Lega. En Ligurie, Giovanni Toti, le gouverneur sortant appartenait à Forza Italia avant de créer son propre parti (« Cambiamo »). En Vénétie, autre sortant, Luca Zaia — membre de la Lega, mais rival de Salvini — menait une liste « civique » qui fait un triomphe (70 %) assuré par sa maîtrise de la politique sanitaire durant la crise du COVID. Et dans les Marches, seule région arrachée à au centre gauche qui y détenait le pouvoir depuis 25 ans, c’est le champion de Fratelli d’Italia (le parti dirigé par l’étoile montante de l’extrême-droite, Giorgia Meloni) qui l’emporte. Si l’on ajoute les actuels scandales financiers auxquels est mêlé son entourage proche (notamment pour de probables détournements de fonds au profit de la Lega), l’étoile du « Capitano » a considérablement pâli. Que ceci ne fasse pas oublier que dans les sondages récents, la Lega restait au plan national le premier parti.

Le vainqueur des régionales — et c’est pour lui une divine surprise —, c’est bel et bien PD. Le parti de Nicola Zingaretti a fait plus que résister alors qu’il pouvait craindre le pire. Il conserve donc 3 régions sur 4. La victoire dans les Pouilles était des plus incertaines : le représentant du PD (mais qui a ratissé très large avec lui aussi sa liste civique) Michele Emiliano qui a bénéficié de voix des 5 Stelle devance de 10 points le candidat de la droite. Même scénario en Campanie. Mais c’était évidemment la Toscane qui était la mère des batailles régionales. Symboliquement le sort de la place forte historique de la gauche que les observateurs voyaient déjà en citadelle assiégée était déterminant pour le PD, mais aussi pour le sort du gouvernement Conte qu’une défaite du centre-gauche aurait considérablement affaibli. En 2019, aux européennes, la Lega était le premier parti dans 7 provinces toscanes sur 10 (on est loin de « l’hégémonie rouge »). Les sondages prédisaient un tête-à-tête serré avec la jeune candidate de la Lega, Susanna Ceccardi qui avait arraché un bastion historique de la gauche aux dernières communales. Et le candidat du PD était plutôt jugé faible : Eugenio Giani, vieux routier de la politique régionale, ancien socialiste passé au PD ne semblait pas devoir séduire un électorat de gauche de plus en plus désemparé. Mais le candidat gouverneur qui sillonne le terrain depuis 4 décennies — on l’a baptisé « taglia nastri »), coupe-ruban — a su rassembler au-delà de son camp et l’a emporté de plus de 8 points sur sa rivale qui avait pourtant adopté un profil beaucoup plus modéré que son leader de la Lega. Cela dit, ce résultat témoigne sans doute plus de la peur et du rejet de la Lega dans le traditionnel électorat de la gauche toscane que d’une adhésion forte au PD. Toujours est-il que ce PD redevient le premier parti de l’ancienne région rouge avec près e 35 % des voix. Par contre pour l’enfant du pays, Mateo Renzi qui a créé son parti personnel “Italia Viva” le résultat est amer : seulement 4,3 % pour une formation qui ne décolle pas. À noter l’inexorable déliquescence de la gauche radicale qui ne présentait pas moins de 3 listes incapables de réunir ensemble (!) plus de 3 % des voix.

Le secrétaire général du PD, Nicola Zingaretti, a aujourd’hui les cartes en main pour imposer au gouvernement des réformes sur le plan social et économique et mettre enfin sur pied un véritable plan de relance avec les quelques 200 milliards d’euros prévus pour l’Italie par l’Europe. Reste à voir le comportement de ses partenaires des 5 Stelle qui, en proie à des divisions internes, demeure imprévisible. Et surtout si le PD sera capable d’abandonner sa navigation à vue toujours inspirée par les lois du social-libéralisme.

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