Réflexions post- pre- électorales : 2. La France/Docteur Folamour à l’Élysée

Dans le film de Stanley Kubrick (1964), un général ivre de pouvoir et devenu fou veut lancer une attaque nucléaire sur l’Union Soviétique. Il y a quelque chose de Folamour chez le reclus de l’Élysée et sa décision de dissoudre l’Assemblée Nationale. Emmanuel Macron achève son travail de destruction du cadre politique en ouvrant la voie au Rassemblement National. Sous ses coups de boutoir et sa politique de débauchage, la gauche et la droite traditionnelles ont vécu. Le macronisme du « en même temps » est mort depuis longtemps. Dans un ballet macabre, le président de la République va au bout d’un pas de deux avec l’extrême-droite.[1] Il ne faut pas s’y tromper : cela fait plusieurs années que Macron entretient une relation suicidaire avec le parti de Marine Le Pen. On laissera à d’autres le soin de rechercher les racines psycho -politico-idéologiques d’un comportement qui met en danger l’existence même de la démocratie républicaine. Et si sur le moment la brusque décision de dissoudre a plongé tout le monde dans la stupeur, les signes avant-coureurs de la folie élyséenne étaient légion. Macron a abandonné ses propres valeurs sur l’autel de la triangulation ne songeant qu’à tenter de préserver sa position de pouvoir. L’approximation et l’irresponsabilité dont il a fait preuve ont eu aussi des conséquences dramatiques. Le chaos politique qu’il vient de provoquer a provisoirement éclipsé la crise néocalédonienne, mais l’histoire retiendra que par son attitude partisane, Emmanuel Macron a neuf morts sur la conscience qu’il s’agisse de membres des deux communautés de Nouvelle-Calédonie ou des forces de l’ordre.

Son jeu avec l’extrême droite est finalement du même ordre : il n’a eu de cesse de courir derrière le RN en endossant parfois des éléments de son programme et en acceptant même la surenchère par la voix de son ministre de l’intérieur quand celui-ci reprochait à Marine Le Pen sa « complaisance » vis-à-vis de l’Islam. Dans ce duo, Macron pensait peut-être couper l’herbe sous les pieds de l’extrême droite : il n’a fait que renforcer sa légitimité. Et puis, aussi sec, le flambeur de l’Élysée jouait à front renversé et se présentait comme le seul barrage possible face au RN. C’était alors l’heure du chantage et du vote utile. Son parti désormais éreinté par cette politique de la volteface permanente était condamné lui aussi. Et seul, pensa-t-il une dissolution naturellement dramatisée (et elle est effectivement dramatique) pourrait peut-être lui permettre de se reconstituer un capital électoral. Irresponsabilité historique.

D’une manière inespérée, en quatre jours, la gauche a réussi à reconstruire une unité que l’on pensait impossible tant les divergences sont profondes et les inimitiés anciennes. Bien sûr, ces divergences n’ont pas disparu et les discours des uns et des autres ruissellent d’ambigüités. Sans compter l’instrumentalisation qui ne manquera pas de se manifester : l’investiture de François Hollande en est la démonstration absolue et en temps normal discréditerait l’initiative habilement lancée par François Ruffin.

Mais face au danger mortel pour la démocratie il fallait passer outre et faire front populaire. La gauche ne peut pas faire dans le détail et doit à tout prix maintenir cette indispensable unité si elle veut barrer la route à l’extrême-droite. Il ne faudrait pas galvauder le mot, mais il s’agit aussi, dans son chef, d’une responsabilité historique. C’est pourquoi on ne peut pas comprendre l’attitude de Jean Luc Mélenchon qui en réglant ses comptes avec ses opposants internes fragilise d’emblée le Nouveau Front Populaire.

La hargne et les calomnies de ses adversaires politiques et de la plus grande partie des médias à son égard sont devenues une constante peu reluisante de la vie politique française. Et il faut le dire aussi, à plusieurs reprises au cours des dernières années Mélenchon a sauvé l’honneur de la gauche. Mais aujourd’hui, la « nécessité de la cohérence politique » qu’il met en avant pour priver ses frondeurs d’investiture, argument qui pourrait être recevable en temps ordinaires (c’est le droit de tous les partis) ne peut être utilisé ici et maintenant. Tout simplement parce qu’il met en danger cette unité qui est la seule arme dont dispose la gauche pour éviter une tragédie à la France et à l’Europe. Mélenchon a souvent transformé des victoires en défaites (déjà avec le Front de Gauche, ensuite avec la NUPES) en étant incapable de gérer une relation avec des alliés qui sont rapidement ravalés au rang de supplétifs. Donc encore une fois, il faut bien parler de responsabilité historique, cette fois dans le chef d’un homme qui par trois fois a porté les espoirs de la gauche à l’élection présidentielle. Sans nul doute les conflits souterrains ou visibles sont réels au sein des Insoumis. Mais il faut espérer que la fracture qui met en danger l’unité du Nouveau Front Populaire sera retissée. Il n’y a pas d’autre choix pour espérer d’éviter le pire.

[1] Voir les Blog-Notes : https://leblognotesdehugueslepaige.be/macronages-en-terres-lepenistes/

https://leblognotesdehugueslepaige.be/macron-le-petit-pere-des-droites/

https://leblognotesdehugueslepaige.be/macron-le-naufrage-et-la-nausee/

 

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1 réponse à Réflexions post- pre- électorales : 2. La France/Docteur Folamour à l’Élysée

  1. J.-M. Nobre-Correia dit :

    Excellent. Même si la critique à l’égard de Mélenchon n’est pas assez dure…

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