Les photos de Pierre Jamet ou le bonheur de 1936

Voilà un homme que l’on aurait aimé rencontrer. Etre son ami, son camarade, figurer sur ses photos ou chanter dans sa chorale. Dans son œuvre, et il ne pouvait en être autrement dans sa vie, Pierre Jamet (1910-2000) dégage un extraordinaire sentiment d’empathie. Autodidacte parfait, il avait quitté l’école à quinze ans après le décès de son père et avait exercé différents métiers avant de s’adonner à ses passions : la photo, le chant, l’animation.


La joie du campeur, René Grimmer, Belle-Ile-en-Mer, 1936

Pierre Jamet a été un des grands photographes du Front Populaire. Dans le très bel album « Pierre Jamet 1936, Au-devant de la vie » ,[[Taffimai Editions, 91440 Bures sur Yvette Acquisition par Paypal sur le site www.pierrejamet-photos.com,- sur Amazon,- ou directement en envoyant un mail à taffimai@free.fr ; Il coûte 25 euros plus 4 euros de frais d’expédition]] publié par sa fille Corinne Jamet-Vierny, l’attachement du photographe au Front Populaire transpire par tous les clichés. Dans l’introduction, Pierre Borhan écrit : « son lien avec le Front Populaire est viscéral : intellectuel, affectueux et physique ».

Il a bien sûr photographié les grèves, les manifestations et les occupations au gré de ses inspirations. Homme libre, profondément engagé- il est membre depuis 1932 de l’Association des Ecrivains et des Artistes révolutionnaires- mais indépendant de tout parti, le photographe est non seulement un témoin mais aussi un acteur. C’est en cela qu’il se distingue de la photographie humaniste des Doisneau ou Ronis dont il est cependant proche.


Chahut à l’auberge de jeunesse de Villeneuve-sur-Auvers, 1937

L’album met en évidence le travail de Pierre Jamet dans les auberges de jeunesse qui éclosent en 36 avec l’obtention de deux semaines de congés payés et des 40 heures. [[Il s’agit des auberges du « Centre laïque des auberges de jeunesse » crée avec l’appui de Léo Lagrange, sous-secrétaire d’Etat aux Sports et à l’Organisation des loisirs au sein du gouvernement Blum ]] Jamet a été auparavant moniteur dans des colonies de vacances. C’est un animateur né. Avec les jeunes femmes et hommes qui se découvrent en même temps qu’ils découvrent la France, entre deux débats et quelques lectures, il crée des chorales et des spectacles. Mais à travers le sport comme le farniente, les corps sont aussi exaltés.


Dina Vierny sous la douche, Antibes, 1936

Les sourires, les gestes, les élans : Pierre Jamet photographie un bonheur jubilatoire et une sensualité à fleur de peau. Il capte un moment d’histoire à nul autre pareil : ses photos nous disent qu’alors tout était possible. Sans la moindre emphase, au plus près de la vie, cette photographie en mouvement incarne mieux que tout discours l’exceptionnel – et éphémère- bonheur que vit le peuple du Front populaire. Il y a le joyeux enthousiasme des groupes qui vivent cette histoire collective mais aussi le rayonnement personnel des un(e)s et des autres.


Lily Bleibtreu, tournée du « Groupe des 18 ans », 1939

Ainsi Jamet illumine le corps et le visage de Dina Vierny (qui sera modèle de Maillol, Matisse, Bonard et Dufy) [[voir le texte de Pierre Borhan]] ou de Lily Bleibtreu, la militante de l’Ecole émancipée. Le photographe amateur d’un inestimable talent deviendra aussi, après la guerre, chanteur professionnel au sein du groupe des Quatre Barbus. Le chant et la photographie étaient chez lui inséparables. Mais c’est évidemment cette dernière que ressuscite pour notre bonheur et notre connaissance historique, cet album « 1936 Au-devant de la vie. »
[[Le numéro spécial France de Politique ( n° 98/99 à paraitre en février 2017) consacrera plusieurs pages à l’œuvre de Pierre Jamet.]]

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