La diversion Dupont-Moretti

 

Chagall Le Cirque

On ne sait pas encore quand ni dans quel camp elle fera des victimes. Mais c’est une grenade dégoupillée dont on sait seulement qu’elle explosera un jour. Seule certitude : elle fera des dégâts. Dupont-Moretti comme Garde des Sceaux, c’est cela : une grenade dégoupillée. Incontrôlable, imprévisible, paradoxal et bretteur impénitent, le nouveau ministre de la Justice du gouvernement Castex, ne peut que devenir un casse-tête pour le pouvoir. C’est peu dire qu’en décidant cette nomination-spectacle, Emmanuel Macron joue avec le feu. Mais le résultat sans doute escompté est bien-là : en l’espace de quelques heures les magistrats, les féministes, le RN se sont déchaînés pour des raisons qui leur sont évidemment propres et sans rapport entre elles. Les médias n’ont retenu que ce nom. En ajoutant toute de même celui de Roselyne Bachelot désignée première dame de la culture qui apparaissait comme le point d’orgue de la manœuvre. En dehors de leurs qualités et défauts intrinsèques, l’une et l’autre ont pour point commun leurs insatiables appétits médiatiques jusqu’à disposer de leur rond de serviette aux « Grosses Têtes » de RTL et aux « Grandes Gueules » de RMC. Avec Dupont-Moretti fils d’une femme de ménage et produit de la méritocratie française et Bachelot « garante d’une culture populaire » comme on dit à l’Élysée, Macron « renoue donc avec le peuple »… Mais l’éclairage braqué quasi exclusivement sur les deux ministres médiatiques permet de faire passer au second plan la droitisation encore accentuée de ce nouveau gouvernement. Les pleins pouvoirs économiques au très libéral Lemaire, le ministère de l’Intérieur à la droite sarkozyste et sécuritaire en la personne de Darmanin[1], un Premier ministre dont le vernis revendiqué de « gaulliste social » ne peut cacher l’appartenance à une droite résolue. Tout en plaçant ses hommes dans les nouveaux cabinets ministériels, et en voulant visiblement achever son mandat en hyperprésident, Macron donne des gages aux Républicains les plus orthodoxes. Et cela, alors que les municipales viennent d’être marquées par des victoires significatives des alliances inédites entre écologistes, groupes de gauche et mouvements citoyens (tempérées, il est vrai, par une abstention record). Visiblement le président considère que ces avancées n’auront qu’un temps et que la logique des écuries présidentielles reprendra le dessus dans la perspective du scrutin de 2022. C’est sans doute aussi pour cela qu’il a choisi Barbara Pompili au ministère de la transition écologique, une personnalité dont l’opportunisme politique ne lui permettra pas de s’imposer face aux « exigences de la relance ». De tout cela, les « commentateurs des commentaires » digressent certes à perte d’antenne sur les chaînes d’info continue. Mais le plus souvent dans le vide, « hors sol ». La réforme des retraites que le Premier ministre veut remettre en chantier au plus vite et la multiplication des plans sociaux vont rendre la parole au réel. Alors, la digression Dupont-Moretti ne sera plus un écran de fumée suffisant. Cela n’empêchera pas, à un moment ou à un autre, l’intéressé de manifester sa capacité d’indignation… et de nuisance potentielle pour ceux qui ont voulu s’en faire un allié ou une vitrine.

 

 

 

[1] Qui fait par ailleurs l’objet d’une enquête à la suite d’une accusation, harcèlement sexuel et abus de confiance qui remonte à 2009. Après un non-lieu la Cour d’Appel de Paris a décidé en juin dernier la reprise des investigations. L’intéressé doit évidemment bénéficier de la présomption d’innocence. Mais « le premier flic de France » sous ce genre d’enquête, c’est « tangent »….

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1 réponse à La diversion Dupont-Moretti

  1. J’aime assez la référence au Grand Charles, lequel, après l’attentat du « Petit Clamar » d’où il est sorti sans une égratignure, de même qu’Yvonne, son épouse a sorti cette boutade historique : c’était tangent ! … du reste, chapeau pour vos analyses ! Et merci.

    Cordialement,

    Jean-Pierre L. Collignon

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