« Un être vous manque et tout est dépeuplé ! ». Ils sont deux ce soir à méditer Alphonse de Lamartine. François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon n’ont rien en commun, tout les oppose sur le plan politique et idéologique. Mais, chacun à sa manière, et dans son camp respectif, se confronte aux appareils dominants et à leurs électeurs qui – infine- leur demeurent fidèles. Les deux hommes ont en commun le courage politique et la volonté de faire « bouger les lignes », une certaine idée de la transgression politique. François Bayrou en votant Hollande a, comme il l’a dit sans le regretter, meurtri son électorat traditionnel et risque bien de ne pas être élu au deuxième tour. Jean-Luc Mélenchon a, en l’assumant pleinement, défié Marine Le Pen débarquant sur des terres inconnues, et est éliminé. Les deux hommes défendaient des positions et des principes qui allaient au-delà de leurs intérêts électoraux immédiats. Même si le pari de l’un et de l’autre n’était – légitimement -pas exempt de calcul stratégique.
Nul ne doute qu’aucun ne se reconnaitrait dans ce rapprochement et que leurs partisans se gausseraient de ce parallélisme iconoclaste. Peu importe, c’est une impression qui se dégageait en cette morne soirée électorale où chacun s’évertuait à ne pas insulter le deuxième tour.
Ces deux vaincus avaient décidément plus d’allure que bien des vainqueurs. Mais revenons donc aux fondamentaux de la politique pour dire que la victoire des socialistes est incontestable en ce premier tour. Et qu’à l’issue du deuxième tour, François Hollande devrait heureusement pouvoir confronter sa politique au réel. Même si le PS n’emportait pas la majorité absolue au deuxième tour – ce qui n’est pourtant pas du tout impossible -, sa carte électorale est impressionnante. En dehors d’une traversée de la droite de la Vendée à l’Est, avec quelques signes au centre et des bastions au Sud Est, le rose domine.
Dans l’ensemble, l’UMP limite, malgré tout, les dégâts, grâce, notamment, à ses notables. Le Front National enregistre un score ambivalent. Moins que ne pouvait lui faire espérer le résultat des présidentielles mais avec des points d’ancrage très forts et une implantation nationale qui en fait la troisième force politique du pays. Les Verts, en dépit d’un accord électoral extrêmement favorable, enregistrent un score très modeste. Et, il n’est pas acquis qu’ils obtiendront un groupe parlementaire autonome. Ce qui pourrait être le cas du Front de Gauche dont les résultats électoraux sont cependant bien éloignés de la dynamique de sa campagne présidentielle. Entre l’insurrection citoyenne et les urnes, il n’y a pas toujours logique et continuité. Mais, tout cela reste hypothétique : selon les cas et l’histoire, le deuxième tour amplifie ou corrige. La note dominante reste en tous cas bien celle-là : donner à François Hollande la possibilité de faire sa politique. Toutes nuances confondues, l’enjeu n’est pas mince. Pour la France et pour l’Europe…