Italie : les suites imprévisibles d’un vote « transversal »

Gouvernement « photocopie », comme disent l’opposition et une partie de la presse ? Le nouveau premier ministre, Paolo Gentiloni, qui a obtenu cette semaine la confiance du parlement a, il est vrai, composé une équipe qui est la copie conforme du précédent. Un gouvernement Renzi bis sans Renzi, chargé de parer au plus pressé et de préparer une nouvelle loi électorale. Les principaux ministres restent en place, même la titulaire des réformes rejetées par 60 % des Italiens lors du referendum du 4 décembre dernier. Les oppositions – de La Ligue du Nord et des 5 Stelle -ont beau jeu de crier au non-respect de la souveraineté populaire et réclament des élections immédiates, y compris avec une loi électorale qu’ils vouaient aux gémonies il y a deux semaines encore. L’espoir de bénéficier de la dynamique référendaire efface bien des exigences constitutionnelles.


Renzi bis sans Renzi

Gentiloni est le premier président du conseil italien ayant faits ses armes dans la gauche extraparlementaire des années 70 avant d’ « évoluer » pour incarner aujourd’hui une sorte de démocrate-chrétien (qu’il ne fut pourtant jamais) converti au blairisme. Bras droit de Mateo Renzi qui, lui, a bien des racines « democristiane », Gentiloni a joué un rôle important dans la prise en main du Parti Démocratique en 2014 par l’ancien maire de Florence. Ce jour-là, Gentiloni s’exclamait « Nous avons vaincu le Moloch communiste ». Le PD étant, pour rappel, composé d’anciens communistes et d’ex (ou néo) démocrates chrétiens. Dès lors, Matteo Renzi s’évertuera à « rottomatore » (littéralement « envoyer à la casse ») les anciens cadres issus du PCI, qui lui facilitèrent la tâche, par leur propre impéritie politique. Maintenant qu’il va s’occuper à nouveau du parti, Renzi compte bien achever le travail.


Allusion au « Mostro di Firenze » accusés de crimes en séries dans les années 70/80

Défait au référendum qu’il avait présomptueusement transformé en plébiscite, Renzi veut prendre sa revanche en redimensionnant encore un peu plus l’aile gauche d’un PD qu’il entend totalement maîtriser politiquement et idéologiquement. Indispensable pour tenter de reprendre le pouvoir lors des élections législatives prévues d’ici la fin juin 2017. Et il est en situation de gagner ce pari-là. Parce que la grande majorité des électeurs démocrates (près de 80 %) ont voté « oui » aux réformes proposées par Renzi. Et que la gauche du PD est dans un état de déliquescence absolue, sans projet ni leader, en proie aux divisions internes sans limites.


La carte des « courants » du PD – Repubblica 6/12/16

Cette absence totale d’alternative à gauche explique en partie le succès des 5 Stelle qui capitalisent (notamment) la protestation d’électeurs qui ne voulaient plus de la politique social-libérale. L’analyse des résultats du référendum du 4 décembre reste à faire. Elle n’est pas simple parce qu’il s’agit typiquement d’un vote « transversal ». Bien entendu, La Ligue et les « grillinistes » ont massivement voté « non ». Mais la droite comme la gauche se sont répartis, certes inégalement, dans les deux camps. Et si une majorité a voté non pour se débarrasser de Renzi, certains ont voté « oui » uniquement pour éviter l’arrivée au pouvoir de Beppe Grillo. Cela dit, les premières enquêtes indiquent cependant clairement une rupture territoriale et générationnelle. Le Sud (mais cela n’est pas nouveau) a massivement voté « non » à Renzi et à son gouvernement plus qu’aux réformes qu’ils proposaient. Il en a été de même, au Nord comme au Sud, pour les électeurs de 25 à 34 ans, ces jeunes adultes qui privés d’autonomie économique et de soutien social vivent sans espoir ni avenir. C’est bien la masse des citoyens les plus précarisés qui a dit « non », en utilisant les moyens du bord du point de vue électoral. Renzi a intérêt à s’en souvenir pour sa prochaine campagne et la gauche ne peut se reconstruire qu’en analysant cette fracture et en proposant des alternatives. Mais dans son état politique actuel, ce sera long et difficile. Très long et très difficile.

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