« Mais que fait donc la police ? »

Les prurits sécuritaires sont fréquents dans notre pays. Un fait-divers plus ou moins dramatique, un problème de violence ou/et de convivialité dans un quartier dit « sensible » et la machine s’emballe. Les responsables politiques sont sommés de réagir sur le champ (la pire des solutions). Dans la même foulée sont dénoncés l’angélisme de la gauche, et, au nom du « politiquement incorrect », tous ceux qui pensent que le délire sécuritaire ne peut non seulement rien résoudre mais risque d’accentuer la violence. Les médias envoient des « correspondants de guerre » à Cureghem et multiplient les micros trottoirs où « l’homme de la rue » se demande « mais que fait donc la police ? » Bref on nage dans la confusion la plus totale mais qui n’est pas forcement innocente.

Reprenons donc. Personne ne nie – et en tous cas pas l’auteur de ces lignes qui vit dans un de ces quartiers dits « sensibles »- qu’il y existe des problèmes de violence ( à des degrés très divers), de respect de la loi ou tout simplement de respect des règles de cohabitation ou de convivialité notamment par des jeunes peu nombreux mais très présents dans l’espace public. Il ne s’agit pas ici de minimiser les questions d’insécurité (et surtout pas celle du sentiment d’insécurité) mais de dépasser les phantasmes pour revenir au réel. Noter que les quartiers où se posent le plus de problèmes sont aussi ceux où le taux de chômage des jeunes est le plus élevé ne relève pas de la victimisation des populations concernées comme le dénoncent les anciens ou les nouveaux gourous du sécuritaire. Mais indique tout simplement que la question de la violence urbaine a des racines connues dont la composante socio-économique est essentielle et que les remèdes ne seront durables que s’ils en tiennent compte. Ce constat est d’une banalité absolue et est relevé par tous les spécialistes ( aussi bien les criminologues et les psychologues que les sociologues ou les économistes) mais il doit être répété inlassablement face au délire sécuritaire qui s’étale aujourd’hui un peu partout et en particulier dans une bonne part des médias.


En passant notons aussi que les vraies formes de solidarité et d’échanges entre les diverses communautés de ces mêmes quartiers ou vis à vis d’autres ( comme cette initiative de solidarité des mères d’origine maghrébine de Cureghem à l’égard des sinistrés de Liège qui aura lieu le 14 février) ne font jamais la « une » de la presse.

« La tolérance zéro, c’est d’abord l’horizon zéro » pour les jeunes disait Bernard Devos, le délégué aux droits de l’enfant, lors du débat du dimanche midi sur la Une à la RTBF. De plus, la tolérance zéro ne peut être qu’un slogan démagogique : elle est inapplicable, irréelle, et vise –infine- à réduire toute la question à son seul aspect répressif. Et si cette tolérance zéro est irréalisable, ce n’est pas faute de moyens policiers. Dans le même débat, un intervenant (c’était, si je ne me trompe, le ministre SP Pascal Smet) soulignait que proportionnellement au nombre d’habitants, Bruxelles comptait autant de policiers que New York. On oublie d’ailleurs souvent de rappeler que la Belgique est des pays les plus « fliqués » au monde (du moins dans les démocraties). Toujours dans la même émission, un magistrat indiquait que paradoxalement la polémique actuelle sur le grand banditisme avait éclaté après une opération totalement réussie de la police. Faut-il rappeler que si les malfrats utilisent aujourd’hui des kalachnikovs, dans les années 80/90 ils tiraient au bazooka sur les transporteurs de fonds…

Des questions de sécurité existent et le sentiment d’insécurité, lui, est réel, en particulier dans les couches les plus fragilisées de la population. Mais les premières ne pourront être résolues et le second combattu que si l’on intègre le débat dans le sentiment d’insécurité générale qui règne dans nos sociétés. En termes de violence physique, le XXIe siècle est – dans nos pays- le plus protégé de l’histoire mais jamais sans doute l’insécurité sociale, économique et écologique n’ont été aussi fortes. Les crises que nous vivons et qui ne sont pas près de s’achever nourriront encore d’autres violences…quoi que fasse la police.

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