« Pourquoi me haïssent-ils tant ? » a demandé Silvio Berlusconi à son confesseur qui était à son chevet après l’agression dont il a été victime à Milan dimanche dernier. On imagine la scène et on se demande si Don Verze, le confesseur en question, est le même qui l’a régulièrement absout de ses frasques privés et publics. En tous cas, si l’oreille ne pouvait être que complaisante, on ne sait pas ce que le prêtre a répondu au président du conseil. L’entourage de Berlusconi et les médias qu’ils contrôlent ont, eux, fourni l’explication : la violence d’un déséquilibré solitaire s’explique par le climat de haine qu’attiserait l’opposition.
Rosy Bindi, la présidente du Parti Démocrate, a répondu en souhaitant que « le premier ministre ne joue pas la victime, lui qui est un des artisans de la violence », s’attirant ainsi les foudres de la majorité mais aussi d’une partie de l’opposition qui, au-delà de la condamnation évidente de la violence, ne sait trop comment agir ou réagir vis-à-vis de Berlusconi. Comme d’habitude, a-t-on envie d’ajouter. Un double facteur peut expliquer, par ailleurs, l’indéniable climat de tension politique qui règne aujourd’hui en Italie. Depuis toujours Berlusconi a personnalisé la politique à l’extrême, transformant chaque épreuve électorale en un référendum pour ou contre lui. D’autre part, les agressions verbales du premier ministre à l’encontre de ses adversaires sont légion.
L’opposition de centre-gauche, ou du centre, les journaux indépendants qui posent des questions gênantes, les magistrats régulièrement taxés de communistes, la Cour Constitutionnelle qualifiée de « gauchiste », jusqu’au président de la république, bref tous ceux qui ont manifesté des réserves ou des critiques vis-à-vis de Berlusconi ou ont tout simplement rappelé les prescrits de la loi, tous sont la cible du président du conseil. En fait, Berlusconi ne supporte pas les contre-pouvoirs. Toute contestation est considérée par lui comme un outrage à sa popularité, par ailleurs bien réelle. Voilà aussi une violence faite ici à la démocratie. Au moment où il traversait une passe difficile sur le plan des affaires publiques et privées, politiques et judiciaires, le statut de victime parachève l’étonnante hégémonie culturelle d’un homme qui a fait de la télévision la continuation de la politique par d’autres moyens.