Mario Monti n’a pas franchi le Rubicon…en tous cas pas jusqu’au bout. Monti ne se présentera pas aux législatives des 24 et 25 février prochain. Il ne présidera aucune coalition électorale. Mais il n’exclut pas que son nom soit utilisé par certaines listes centristes (mais ce n’est pas l’essentiel, a-t-il dit) et surtout, il prend date pour l’après l’élection. Si une majorité au parlement fait appel à lui sur la base de son « agenda » -de son programme-, il sera à la disposition du pays. De surcroît, il appelle de ses vœux une coalition du centre-droit et du centre-gauche pour bâtir cette majorité, excluant toute collaboration avec Berlusconi dont il peine « à comprendre la linéarité de la ligne politique ».
Même s’il a laissé planer le doute sur ses intentions jusqu’à la dernière minute, « il professore » n’a donc pas cédé aux sirènes du centre-droit (Casini-Fini), des milieux d’affaires et d’un large secteur de l’Eglise qui le pressaient de se présenter aux suffrages des Italiens. Il a plutôt écouté ceux qui comme le président Napolitano ou l’ex-directeur de la Reppublica, Eugenio Scalfari [[ Il faudra un jour consacrer une étude à l’influence politique déterminante de ce brillant intellectuel]]lui conseillaient de ne pas se présenter mais de demeurer en réserve de la République, favorisant du même coup une éventuelle coalition gouvernementale des centres pour l’après élection. Car il est certain que si Monti avait pris la tête du centre-droit et était devenu le protagoniste direct d’un affrontement avec le centre-gauche, il mettait le PD de Bersani dans une situation inextricable. Celui-ci a sans doute été le partenaire le plus loyal du gouvernement technique, approuvant l’essentiel de ses décisions même s’il réclame aujourd’hui l’ouverture d’une « nouvelle phase politique » mettant l’accent sur le travail et l’égalité. Finalement une candidature Monti aurait hypothéqué l’émergence d’un gouvernement Monti bis. C’est bien l’analyse que faisaient les plus fins tacticiens parmi ses propres partisans. Monti tête de liste du centre droit aurait certes apporté un pourcentage non négligeable de voix supplémentaires aux différentes listes qui le composent mais il compromettait du même coup une future union nationale sur base de son programme plus ou moins amendé. Un programme qui en l’état demeure évidemment dans la ligne de son action gouvernementale et qui s’inscrit dans les politiques d’austérité européennes. Même si Monti reconnaît la nécessité d’ « amortisseurs sociaux » supplémentaires et conteste prudemment et discrètement les choix les plus radicaux de la Commission et de ses experts.
Pendant ce temps, Berlusconi écume les plateaux télé où il insulte ses adversaires et ses anciens alliés et se promet un score délirant de 40 % des suffrages. Entre Berlusconi et Beppe Grillo et son Mouvement des « 5 Stelle », la surenchère populiste sera sans doute sans précédent. On verra quelle part du PDL restera fidèle à son fondateur mais pour Berlusconi les défections seront certainement nombreuses. Le combat du centre gauche ne sera pas moins difficile même s’il a les faveurs des sondages. L’appui apporté par le parti de Bersani à l’essentiel du programme de Monti (même avec les correctifs sociaux que l’on connaît) l’empêchera de se présenter comme une réelle alternative. Et pour le PD ce sera le grand écart permanent entre le Sel (Socialisme-Ecologie et Liberté) de Nichi Vendola -qui a appuyé Bersani lors des primaires du PD- et le centre droit qui apparait de plus en plus comme son allié naturel. Mario Monti sait parfaitement tout cela. Et s’il n’est pas « monté en politique » [[ Au cours de sa conférence de presse de ce dimanche, Monti a joliment précisé que pour lui on « montait », on ne « descendait » pas en politique. En italien l’expression courante est bien « scendere in politica » : descendre en politique.]] , il en a bien acquis une part des subtilités tactiques.