Dans un état de droit, comme le nôtre, l’évolution récente de l’appareil judiciaire inquiète. Dernier épisode : la décision de la Chambre des mises en accusation de Bruxelles de renvoyer en correctionnelle quatre membres du Secours Rouge pour « participation aux activités d’un groupe de terroristes ». Et pourtant après d’interminables atermoiements de la justice et une longue enquête qui avait abouti à un dossier d’une vacuité absolue, la Chambre du conseil, elle, avait jugé qu’il n’y avait aucune infraction terroriste à charge des personnes poursuivies. Pour rappel, le « Secours Rouge » est un collectif de soutien aux prisonniers politiques révolutionnaires et, à l’origine, en 2008, quatre de ses membres étaient soupçonnés d’avoir apporté un soutien à l’ organisation italienne accusée puis innocentée d’activités terroristes.
Il ne s’agit pas ici d’approuver ou non les positions du Secours Rouge mais de ne pas transformer des opinions en délit. Cette décision de la Chambre des mises en accusation est particulièrement inquiétante car elle témoigne de l’interprétation pour le moins fluctuante de la prévention d’ « infraction terroriste » qui est faite par les différentes juridictions, et, comme l’indique la Ligue des Droits de l’homme, de la criminalisation de la contestation sociale qu’elle induit. Il faut inscrire cet événement dans le cadre général de l’évolution de la justice. Au cours des derniers mois, le vote de différents projets de loi témoigne de la volonté gouvernementale de s’orienter vers un état de plus en plus sécuritaire. Il y a eu l’adoption d’une loi qui rend punissable l’incitation à commettre un acte terroriste, avec tout l’arbitraire et l’imprécision de son interprétation. On a vu apparaître ensuite un projet de réforme de l’aide juridique qui, de fait, vise à exclure de cette aide toute une série de justiciables démunis en commençant par les étrangers. Sans oublier l’adoption de deux lois de circonstances visant à rendre plus difficile l’octroi de la libération conditionnelle. Taillées sur mesure pour répondre à l’émotion populaire provoquée par la libération conditionnelle de Michèle Martin et à la demande de Marc Dutroux, ces lois comptent parmi les pires exemples de la démagogie politico-juridique.
C’est dans l’ensemble de ce contexte sécuritaire qu’il faut replacer la décision à propos des 4 du Secours Rouge. Il n’y a strictement rien dans le dossier. Toutes les charges présentées par le parquet se sont avérées sans fondement. Cette décision apparaît bien comme de l’acharnement judiciaire encouragé par la dérive sécuritaire du pouvoir.