Depuis que le dernier sondage RTL-Le Soir a désigné le PTB comme troisième parti francophone (pour rappel 16,3 % en Wallonie et 11,2 % à Bruxelles), un spectre hante la Belgique. On ne dit plus que les cosaques sont aux pieds de l’Atomium. Mais l’inquiétude des milieux bienpensants et l’anxiété des concurrents électoraux ne faiblissent pas. Parmi les premiers, un des commanditaires dudit sondage, Le Soir, ne cache pas son mépris – et son incompréhension. « Le PTB qui monte, c’est le débat public qui descend » titre tout simplement le quotidien qui s’est spécialisé ces dernières années dans la défense des politiques d’austérité (à visage humain, naturellement). « Outrance, slogan, propositions irréalistes, voire grotesques » : tout en se lamentant que le PTB ait dépassé deux partis modérés, le CDH et Ecolo ( mis du coup dans le même panier), Le Soir ne semble pas comprendre pourquoi aujourd’hui une partie grandissante de la population ( même si elle demeure largement minoritaire) ne supporte plus les politiques menées de concert ou alternativement (malgré les nuances) par la droite et la gauche « de gouvernement » et aspire à une alternative que le PTB a réussi à incarner par son action et sa propre évolution politico-idéologique.
Au PS on se partage les rôles
Du côté du PS, principale victime de la montée du PTB, on hésite visiblement quant à l’attitude à adopter. Le congrès de rentrée du PS, ce dimanche, a fait silence sur le PTB. Elio Di Rupo « ne commente pas les sondages » (quand ils sont mauvais…). Paul Magnette, dont l’analyse politique a déjà été plus subtile, se dit « fasciné par la manière dont on fabrique un phénomène médiatique avec le PTB en Wallonie » et regrette que ce parti « mange les deux tiers des marge de progression d’Ecolo », en omettant de s’interroger sur « les marges de régression » du PS. Car Magnette qui « a toujours été un partisan de l’Olivier », « préfèrerait qu’Ecolo soit plus fort ». Voilà qui doit faire sourire (jaune) les responsables d’Ecolo qui se souviennent comment le PS a traité leur parti à l’époque de leur participation commune au gouvernement Verhofstadt (1999-2003). Le pilonnage, lui, étant assuré – ce qui n’étonnera personne- par Laurette Onkelinx pour qui le PTB « ment », ne songe qu’à « récupérer » et « n’est pas là pour protéger les gens ». Cette répartition des rôles témoigne de l’incertitude d’un PS qui cherche à se reconstruire une image de gauche (notamment à travers son opposition au TTIP qu’il avait pourtant soutenu alors qu’il était au gouvernement) mais sans vraiment se remettre en question.
Pour le PTB comment gérer les promesses de succès ?
Cela dit, le nouveau succès sondagier du PTB pose quelques questions essentielles pour l’avenir de la gauche radicale dans notre pays. Car il s’agit à la fois d’une progression structurelle (confirmée par toutes les enquêtes d’opinion depuis le scrutin de 2014) et d’un succès accentué par les circonstances (Caterpillar et la vague de licenciements et de fermetures qui ont suivi). La progression, en tous cas, ne se limite pas aux intentions, de vote : la présence sur le terrain, le recrutement, le succès de Manifiesta, entre autres, en témoignent. Deux remarques à ce sujet :
l’existence d’une gauche radicale crédible permet dorénavant au mécontentement, voire à la révolte d’hommes et de femmes victimes des politiques d’austérité mais peu ou pas politisés et qui pouvaient être tentés par le repli, l’abstention, voire l’extrême-droite, de s’exprimer.
le défi n’en est que plus grand pour le PTB qui doit s’atteler à un énorme travail de formation à la fois pour ces nouveaux sympathisants, membres et militants mais pour les indispensables futurs cadres et élus potentiels. Tâche difficile face à une progression aussi rapide et dont les acteurs attendent logiquement qu’elle se concrétise par un poids plus important sur le plan de la société et de la politique.
Les conditions du pouvoir
Reste la question de la participation aux majorités qui demeure la cible privilégiée des critiques exprimées par les médias et les partis de pouvoir. L’effort pédagogique sera, ici aussi, déterminant. La question ne porte pas sur le principe d‘une telle participation (qui n’est pas contesté) mais sur les conditions de son exercice. Pour le PTB, comme pour tout parti de gauche radicale, ici comme ailleurs, une participation ne peut s’envisager que si, d’une part, le rapport de force Gauche/Droite sur le plan global permet une véritable politique alternative – ce qui n’est évidemment pas le cas actuellement- et si, d’autre part, le rapport de force interne à la gauche permet au PTB de peser suffisamment sur le programme de l’éventuelle majorité. Un parti qui participe à une coalition sans y être indispensable en sort laminé. Ecolo, en 2003, en a été l’exemple saisissant. Il ne s’agit pas de pureté doctrinale, ni de refuser de « mettre les mains dans le cambouis » comme aiment à le dire les éternels participationnistes. Mais tout simplement de rester fidèle à l’engagement pris auprès de ses propres électeurs et militants.
Dans un contexte européen où la gauche est partagée entre l’abandon et le renoncement, la progression du PTB constitue une lueur d’espoir. Ses responsabilités n’en sont que plus grandes. Gérer les promesses d’un succès est parfois plus difficile que d’assumer les conséquences d’une défaite.