Pour cette dernière chronique de l’année, vous me permettrez un petit bilan sémantico-idéologique de notre système politique national. On sait que chez nous la loi électorale et les traditions culturelles imposent des gouvernements de coalition qui gèrent sous le signe du compromis et du consensus. Pour exister chaque formation politique doit donc essentiellement se distinguer par le discours. Ce qui a pour effet de masquer la réalité des rapports de forces, d’entrainer une grande confusion entre les mots et les actes et donc finalement d’obscurcir le débat politique jusqu’à en détourner plus d’un citoyen.
Se distinguer par le discours…
La célébration de l’anniversaire du gouvernement Di Rupo et surtout les déclarations qui, il y a quelques semaines, ont suivi l’adoption du budget ont été particulièrement éclairantes à ce sujet. Objectivement on peut affirmer, me semble-t-il, que ce budget s’inscrit dans la logique des politiques européennes d’austérité mais avec un léger bémol social. C’est, sous la houlette d’un premier ministre socialiste, le triomphe d’une politique de centre droit tempérée par quelques amortisseurs sociaux qui ne sont évidemment pas négligeables. Ce n’est pas cette politique qui permettra d’échapper à la récession ou d’éviter le creusement des inégalités mais cela est une autre affaire.
Les mots et les actes
Le plus frappant est la manière dont chaque parti a tenté alors de s’approprier l’hégémonie politique. Du côté socialiste où on ne semble plus concevoir l’existence hors des allées du pouvoir, c’est la vice première ministre qui est traditionnellement chargée d’emboucher les trompettes de la victoire. Ses accents étaient tellement triomphalistes lors de l’adoption du budget que l’on semblait se transporter à l’époque du front populaire et de l’adoption de la journée des huit heures. Les Libéraux n’étaient pas en reste qui saluaient leur marque dans le budget avec le ton d’un Verhofstadt qui n’aurait pas encore rencontré Cohn-Bendit. Et comme d’habitude les sociaux chrétiens trouvaient dans le compromis, quel que soit son contenu, leur raison d’être. Ces discours dont on retrouve des traces dans l’ensemble de l’activité gouvernementale obèrent le débat politique. Ils le dénaturent. Car chacun pour rassurer son électorat finit par travestir le sens même des décisions prises. Une fois encore, les mots en politique sont aussi importants que les actes. En tous cas, pour l’avenir de la démocratie, il vaut mieux éviter que les postures ne se transforment en impostures.