« La victoire des Libéraux de Mark Rutte » : voilà le titre le mieux partagé par les médias européens de ce jeudi à propos du résultat des élections aux Pays-Bas. On reste stupéfait sur la manière dont journaux (y compris de « référence »), radios et télévisions rendent compte de l’issue d’un scrutin présenté comme déterminant quant à l’état des forces politiques en Europe.
Certes, l’extrême droite de Geert Wilders a été contenue et son résultat est inférieur à ce que lui promettaient les sondages. Mais avec 20 sièges (+5) et 13,10 % des suffrages, le PVV devient le deuxième parti hollandais. Et le « vainqueur » des médias, le « héros » Rutte, comme titrait la presse, recule de 5,5 % en voix et perd 8 sièges (il en totalise 33 sur 150). En fait la coalition au pouvoir à La Haye, celle qui a mené la politique d’austérité la plus radicale d’Europe, a subi une véritable déroute entrainée au premier chef par la défaite historique des partenaires sociaux-démocrates (PvdA) qui passent de 28, 5 à 5,7 % des suffrages et ne seront plus que 9 députés à la chambre (au lieu de 38). A l’exception du PASOK en Grèce, c’est sans doute la plus lourde défaite d’un parti socialiste européen depuis 1945. Elle est doublement emblématique quand on sait que le ministre des finances social-démocrate du gouvernement Rutte n’était autre que Jeroen Dijselbloem, celui qui, chef de l’Eurogroupe, avait imposé l’austérité la plus dictatoriale à la Grèce.
Alors que, durant la campagne, les médias se fixaient exclusivement sur la bataille identitaire de l’extrême droite, en omettant de rappeler que le gouvernement Rutte menait (comme son ami et voisin Charles Michel) une des politiques les plus ultra-libérales du continent, les résultats du 15 mars étaient analysés à la seule aune du combat entre les politiques populistes et « raisonnables ». Il faut lire à ce sujet, l’excellente analyse (totalement à contrecourant) de Romaric Godin dans La Tribune.fr [[ http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/pays-bas-la-vraie-lecon-des-elections]]. Après avoir rappelé la progression du chômage, Godin souligne qu’aux Pays Bas, « le travail à temps partiel atteint des records, les inégalités se sont creusées et le risque de pauvreté a augmenté. Le problème de beaucoup de Néerlandais n’est pas l’Islam ou l’immigration, c’est bien leur niveau de vie. C’est ce qu’ils ont exprimé dans les urnes ce 15 mars », ajoute-t-il. Mais de cela il n’est pas question dans les médias européens…
Il y a évidemment bien d’autres éléments à analyser à la lumière de ce scrutin : l’imposante participation, le succès de de GroenLinks, celui de D66, la stagnation du SP (Gauche radicale), l’épuisement crépusculaire de la sociale démocratie mais aussi l’émiettement électorale… sans oublier naturellement la progression « contenue » de l’extrême droite. Mais la sanction sans équivoque de la politique d’austérité restera comme un événement politique majeur que les médias auront unanimement et consciencieusement négligé.