L’euthanasie, un hymne à la vie

À propos de « Le Grand Jour » de Catherine Rombouts et Sophie Richelle, éditions Loco, Paris, 2020, 112 p, 30 € [1]

Une fois la famille rassemblée autour  d’elle, le Baxter accroché au lampadaire           derrière le fauteuil, elle a demandé à son médecin s’il avait remarqué qu’elle s’était  faite jolie, pour lui.

Il lui a demandé « On y va ? »  Elle a répondu « Oui. »

Il était 19h02.

(extrait)

Catherine Rombouts est photographe. Elle a accompagné la fin de vie de sa mère Christiane, atteinte de la maladie (incurable) de Charcot et qui avait choisi l’euthanasie. Elle l’a accompagnée jusqu’au dernier soupir. Avec son amie Sophie Richelle, historienne, elles racontent ce parcours de vie. Car la vie, c’est bien de cela qu’il s’agit : le choix de sa propre fin, partagé avec ses proches dans une dignité de la décision qui n’a d’égale que la douceur du partage. Ce livre sur la mort voulue est un magnifique hymne à la vie. Les photos de l’une et les mots de l’autre nous l’exaltent avec subtilité et délicatesse, à la fois dans l’intime et la discrétion. La silhouette et le visage de Christiane, des objets qui lui sont chers, des clichés du passé, son décor, une page d’agenda où est fixée la date du « grand jour » évoquent  la maîtrise de cette vie et sa fin, avec amour . Les textes sont d’abord des fragments qui complètent l’image sans jamais être redondants : les mots « Fixer, Prendre, Choisir, Arrêter, Décider » jalonnent le récit, quelques phrases qui éclairent la décision, mais aussi des informations objectives sur la situation de l’euthanasie en Belgique et en France.

Le contraste saisissant entre un pays qui malgré la pesanteur de l’Église et son conservatisme moral a su devenir, avec les Pays-Bas et le Luxembourg, un des trois pays européens qui ont opté pour une dépénalisation partielle de l’euthanasie et une république qui se veut la championne de la laïcité et des droits de l’homme, mais qui refuse toujours[2] à ses citoyens le choix de leur fin de vie.

Ce livre est d’une grande beauté, mais aussi d’une utilité indéniable dans les débats qui se poursuivent sur la question. Ceux qui ont vécu cet accompagnement y retrouvent la profonde humanité d’un moment qui lie d’une façon indépassable celle ou celui qui l’a choisi et ceux qui le partagent. Il y a dans ce choix épousé de la mort comme un ultime acte d’amour réciproque. Mais par leurs images et leurs mots[3], Catherine Rombouts et Sophie Richelle permettent aussi à ceux qui ignorent, doutent ou redoutent l’euthanasie de découvrir comment elle peut révéler ou rendre encore plus vive l’intensité de la relation à l’autre.

1 On trouve le livre dans « toutes les bonnes librairies » de Belgique et de France ainsi qu’à la boutique de l’éditeur  www.editionsloco.com

Le livre vient d’obtenir le Prix HiP (Histoires Photographiques) Premier livre (France).

[2] Voir à ce sujet les textes de Laurence Rosier (professeure à l’ULB) et de Nathalie Debernardi (entre autres, auteure de la pétition  française pour la légalisation de l’aide active à mourir)

[3] On soulignera aussi le très beau travail d’édition et de graphisme.

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7 réponses à L’euthanasie, un hymne à la vie

  1. Decraecker dit :

    Je l’ai écoutée s’exprimer à ce sujet et j’ai bien pensé à ce grand jour vécu ensemble cher Hugues.
    On peut en parler, on peut défendre cette ultime liberté mais la vivre est un moment unique. Il m’accompagne tous les jours. Merci.

    1. Andree Simons dit :

      J’ai eu l’opportunité d’entendre et de voir l’émission ou Christiane a pris la décision de venir laisser pratiquer l’euthanasie en Belgique.
      Je sais qu’elle a dû venir chez nous pour que SON CHOIX soit respecté ! Ce n’est pas un acte de courage… pour ses enfants, tous ses très proches
      ami(e)s, j’estime que ce fut un acte d’amour!

      A mes yeux… mon choix :
      Cesse enfin la souffrance après une vie bien remplie… non pas , se sentir inutile, sinon n’ayant plus qu’un corps a bout de force, qu’enfin cette souffrance, cesse!…
      Partir… calme et sereine… vers l’inconnu, certes!
      Je laisserai des souvenirs … je suis en phase de préparation orale avec mes enfants, les ami(e)s très proches…
      c’est un choix qui me balaie tél un vent doux en m’endormant sans douleurs pendant si peu de temps…
      Oui, la prise de décision consciente de l’ultime instant de tous mes maux!…

  2. Paul Gonze dit :

    Merci à Christiane, a sa fille et a son amie, ainsi qu’à vous, de nous permettre de comprendre que la liberté de mourir intensifie le plaisir, l’urgence, le devoir de vivre pleinement… Et de mourir dignement

  3. Depouille dit :

    Je vis en France, j’ai la double nationalité (française et belge) et la situation est à mes yeux atroce en France .L J’ai vu récemment le film Blackbird recommandé par l’ADMD
    France dont je suis membre. Mais hélas dans Blackbird le mari est médecin, ils sont riches et ont des moyens qui ne sont pas utilisables pour le français moyen. Ce serait très important que la France évolue mais hélas, ce sera trop tard pour moi. Pourtant cela ne couterait rien à Macron et pour une fois il pourrait faire quelque chose de social sans critiques du MEDEF.

  4. Dubié Josy dit :

    Quelque mois après le vote de la loi euthanasie, dont j’ai présidé les débats au Sénat pendant près de deux ans, l’épouse d’un militant âgé, un ami, de la locale écolo de Bruxelles m’appelle. Son mari, appelons le Maurice, en phase terminale d’un cancer à Bordet souhaite mettre fin à ses jours grâce à « ma loi ! », comme il l’appelle, et souhaite ma présence. Nous sommes trois, son épouse, sa fille et moi. Maurice, considérablement amaigri, le teint livide, est parfaitement conscient. Il mange des crevettes et boit du pouilly fumé. Nous bavardons. A un moment la porte s’ouvre, un médecin demande à Maurice si c’est ok. Encore un moment docteur svp. Le docteur s’éclipse. Nous bavardons, après un certain temps le médecin rouvre la porte, Maurice fait un signe d’approbation de la tête. Le médecin s’approche du lit du malade et tripote quelque chose. Maurice incline la tête, il est mort. Dur, très, très, dur. Nous sommes en larmes, mais la volonté de Maurice de mourir dans la dignité a été respectée comme celle de plus de quinze mille belges qui l’ont réclamée depuis son adoption an 1992.
    J’ai fait beaucoup de choses dans ma déjà longue vie. Ce dont, finalement, je suis le plus fier c’est d’avoir aider à faire voter cette loi qui respecte la volonté de chacun de mourir dans la dignité.

    1. Michel Mareschal dit :

      Merci pour ce témoignage, il est très fort! Tres beau. Vous avez raison d’être fier de votre travail au sénat.

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