Lettre de Lisbonne : Austérité, version portugaise

Le cas n’est pas rare : des jeunes bardés de diplômes ne trouvent aucun travail à la hauteur de leur qualification et n’ont de choix qu’en une hypothétique recherche d’emploi à l’étranger ou accepter un petit boulot à 500 € par mois. Cette misère de l’avenir des jeunes portugais et la vision blafarde des commerces abandonnés sont les témoignages et les signes les plus dramatiquement tangibles de la crise portugaise.
La résignation, le désespoir et des accès de révolte se mêlent dans les discours de ceux que l’on interroge. Comme partout, les Portugais n’acceptent pas de devoir payer les folies du système financier qui a accumulé les profits sur son dos comme ailleurs, ils sont conscients que la terrible austérité imposée depuis deux ans par la fameuse troïka (FMI-BCE-CE) conduit à creuser la récession déjà présente au Portugal avant la dernière crise.


Une grande rue
commerciale de Lisbonne

Avec ces mesures draconiennes , diminution des salaires, hausse de la TVA, réduction des emplois dans la fonction publique et atteintes aux droits du travail, les Portugais ne peuvent envisager le présent, ni imaginer l’avenir sans désespérance. Et pourtant l’état du Portugal n’était pas celui de la Grèce ni dans le domaine de la collecte des impôts, ni dans celui du cadastre, pour prendre deux secteurs emblématiques. De plus, la manne européenne qui s’est répandue sur la pays depuis l’adhésion à l’ Europe a permis un véritable développement même si elle n’a pu corriger des défauts structurels de l’économie portugaise, comme ceux d’une industrie utilisant essentiellement un main d’œuvre peu qualifiée et un développement technologique notoirement insuffisant. La concurrence des pays émergents a été de ce point de vue dévastatrice pour les industries portugaises de base . [[Voir à ce sujet : « Portugal : Au-delà des stéréotypes et du plan de sauvetage très libérale » Patrick Feltesse, Démocratie, Bimensuel du MOC, 15/09/11]]Si l’on ajoute à cela, le surdéveloppement bancaire et son « pousse-au-crédit » des particuliers, la crise et la spéculation financière et la méfiance des investisseurs étrangers, on mesure le pessimisme qui peut régner dans cette société qui compte, par ailleurs, parmi les plus inégalitaires d’ Europe. Et les différents plans d’austérité qui se multiplient et s’aggravent depuis deux ans creuseront encore un peu plus ces inégalités. Dans les conversations inquiètes, beaucoup pensent ici que ce choix risquent bien de renvoyer le Portugal dans un passé vieux de plusieurs décennies. En quelque sorte, le grand bond en arrière.

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