C’est une véritable institution et elle est unique au monde. Le Festival de San Remo qui incarne depuis 1950 la chanson italienne pour le meilleur et pour le pire n’a pas d’équivalent. Cinq soirées- interminables- sur RAI Uno, le vaisseau amiral du service public, qui débutent à 20.35 et peuvent s’achever après une heure du matin, des taux d’audience inégalables, 60 % de part de marché (PDM), ce samedi pour la finale : cette 62eme édition de San Remo n’a pas démenti la tradition. D’autant qu’elle a été émaillée, comme souvent, de polémiques à la hauteur de l’événement. Car San Remo est aussi, d’une certaine manière, le miroir d’une Italie où la musique, de l’opéra à la canzonetta, a toujours eu des répercussions politiques. L’an passé, quand le berlusconisme n’en était pas encore à son crépuscule, les messages de résistance se multipliaient. Begnini entrant à cheval dans l’Ariston, la salle mythique de San Remo, avec le drapeau tricolore en réponse aux attaques contre l’Italie de la Ligue et de Berlusconi lui-même, la chanson primée de Robert Vecchioni « Chiamami ancora amore » [[http://zonareality.wordpress.com/2011/02/10/roberto-vecchioni-chiamami-ancora-amore-testo/]], hymne à l’engagement et à la dénonciation des injustices et le moment de télévision inoubliable, où à la surprise générale, les humoristes Luca et Paolo récitaient «Je hais les indifférents », le magnifique texte de Gramsci [[ http://www.youtube.com/watch?v=4PKC-COvG2Y. ]] « Je hais les indifférents. Je crois que vivre veut dire être partisans… » ainsi commence ce texte qui résonnait d’une manière particulière à une heure de grande écoute sur la chaîne nationale peu habituée à ce genre de proclamation. San Remo 2011 était bien le reflet de la résistance au berlusconisme.
Adriano Celentano :la star du rock et le prédicateur
San Remo 2012 : Berlusconi n’est plus là, le soulagement est perceptible mais les humoristes sont orphelins et en manque d’inspiration. La crise, elle, enfonce l’Italie dans la récession et le chômage. Le ton est à l’amertume mais cette fois le message de San Remo n’est pas évident même si les commentateurs s’évertuent à le débusquer sous le moindre prétexte. Est-ce par peur de l’incertitude et du vide que la RAI avait engagé, cette année, Adriano Celentano, LA star du rock italien. Mais aussi, à 74 ans, toujours le provocateur en diable doublé d’un prédicateur mystique, dénonçant pêle-mêle institutions, mœurs, consommation de la société contemporaine. Le tout avec des forts accents poujadistes et antipolitiques. Celentano, déchaîné, s’en prenait sur scène aux journaux catholiques L’Avvenire et Famiglia cristiana, pourfendus par le rocker pour parler trop de politique et pas assez de Dieu…
La démesure de la presse italienne
Polémique garantie et…évidemment prévisible sinon programmée par ceux-là même – les dirigeants de la RAI- qui le dénonçaient ensuite, tout en profitant d’une audience maximale. Tonnerre de protestations en tous genres, de responsables politiques aux hommes d’église, envoi d’un commissaire spécial de la RAI, la démesure de la presse italienne faisait le reste. A longueur de pages, pendant plusieurs jours, la polémique a fait rage. Et Celentano est revenu sur scène hier pour sa deuxième prestation prévue dans son contrat de 300.000 € (qu’il distribuera à différentes œuvres), Celentano est revenu pour, naturellement, persister et signer. Une belle matière pour la presse dominicale et celle des jours qui viennent. Faut-il ajouter que dans le même temps un rapport de la cour des comptes indiquait que la corruption est pire en Italie qu’il y a 20 ans quand démarrait l’opération « Mani pulite » qui allait mettre à bas la première république. Et que ce lundi s’engagent des négociations déterminantes pour le statut du travail ?