Berlusconi a beau avoir été condamné d’une manière définitive par la Cour de Cassation pour fraude fiscale, retranché depuis trois semaines dans sa forteresse d’Arcore, aux portes de Milan, il entend bien, une fois encore, contrecarrer la justice. Avec ses fidèles, il bataille contre vents et marées afin que le jugement soit effacé, ou du moins non appliqué, que sa déchéance politique et son inéligibilité ne soient pas prononcés en vertu d’une loi que son parti a pourtant votée, en son temps, mais dont il conteste aujourd’hui le bien-fondé.
Avant et après : contrecarrer la justice
Finalement quoi de plus logique : Berlusconi a construit sa carrière politique en défense de ses intérêts personnels et durant ses deux décennies de pouvoir a fait voter nombre de lois uniquement destinées à le protéger des poursuites judiciaires. La justice étant, malgré tout – partiellement – passé, il poursuit naturellement son combat contre l’État de droit. Au nom des millions d’Italiens qui ont voté pour lui, il ne peut être condamné… Il existe une « exception berlusconienne » : l’onction du suffrage universel le protège de la justice ! Et il entend bien imposer sa (anti)loi. Le plus stupéfiant dans cette situation est que Berlusconi continue de dicter l’agenda politique et de conditionner la survie du gouvernement de large coalition (PD/PDL). Depuis la naissance même du gouvernement Letta, on savait que son avenir était lié au sort judiciaire de Berlusconi : c’était clairement l’une de ses principales faiblesses (parmi bien d’autres). A présent que le clan Berlusconi a dû se résoudre à la fermeté du Président Napolitano qui n’acceptera aucun atteinte au pouvoir judiciaire et que ses espoirs de grâce présidentielle ou de « sauf conduit » plus ou moins bricolé se sont envolés, il a déclaré la guerre au gouvernement. Si le premier ministre ne trouve pas une solution pour éviter la déchéance politique au Cavaliere, ministres et députés de son parti démissionneront. L’impunité contre la stabilité : le marché est clair.
Le gouvernement Letta en otage
L’offensive verbale des berlusconiens est d’une violence rare. Déjà au lendemain de sa condamnation, l’un de ses bras droits déclarait que celle-ci pouvait entrainer des risques de guerre civile tandis qu’un autre comparait la sentence de la Cassation à un « homicide politique ». Depuis d’autres encore ont enchaîné comparant la commission du Sénat qui doit se prononcer sur la déchéance du condamné à un « tribunal spécial » ou à un « peloton d’exécution ». Depuis les procès des Brigades Rouges, on n’avait entendu des propos d’une telle violence envers les institutions. Et pendant que ses troupes mènent la guerre, Berlusconi se pose plus que jamais en victime des magistrats, de la gauche, des « communistes » et des journalistes qui ont échappé à son empire médiatique. Il se dit que le Cavaliere prépare un message vidéo solennel qu’il s’apprête à lancer sur les ondes, à l’image de celui qui avait inauguré sa carrière politique en 1994. En attendant, le gouvernement et le pays sont pris en otage. Décidément l’été est encore et toujours berlusconien…