Le héros du jour s’appelle…François Bayrou. Ce matin dans la matinale de France Inter, le Béarnais triomphait. Et il en avait quelques raisons. Cela fait quelques décennies et trois candidatures à la présidentielle que le maire de Pau veut faire « bouger les lignes ». Son vieux rêve centriste de faire collaborer la gauche et la droite dans une perspective social libérale, mâtinée chez lui d’un vieux fond démocrate-chrétien, ce vieux rêve assure le succès de la candidature du jeune Macron. En cas de victoire – désormais envisageable- de ce dernier, Bayrou n’incarnera pas personnellement l’idéal centriste au sommet de l’Etat mais il en sera l’architecte parlementaire, chargé de construire une majorité à l’Assemblée.
Le soutien apporté aujourd’hui par Manuel Vals à son ennemi intime Emmanuel Macron a bouclé la boucle, même si ce dernier l’a accepté du bout des lèvres. Cohn-Bendit, Bayrou, Hue, De Rugy, Perben, Valls et demain sans doute de Villepin : cela fait beaucoup « d’ex » pour le chantre du renouveau mais l’arc politique du social libéralisme est pratiquement achevé. Et la recomposition politique est plus que jamais à l’œuvre. On s’étonnera toujours de la manière dont l’ancien banquier d’affaires a réussi à se fabriquer une virginité politique. Inspirateur et continuateur de la politique socioéconomique du quinquennat Hollande, il est parvenu à être perçu à la fois comme le candidat du renouveau (l’état civil et la parure angélique aident mais n’expliquent pas tout) et le recours le plus sûr contre Marine Le Pen, y compris dans une frange non négligeable de l’électorat de gauche, piégée par le « vote utile ». Les médias y ont largement contribué. Il suffit de lire ou écouter la fine fleur des éditorialistes parisiens (et parfois …bruxellois-e-s) pour en juger. Cette unanimité médiatique rappelle celle que la presse avait manifestée, en 2005, en faveur de la Constitution européenne finalement rejetée par une majorité de Français. Le substrat idéologique est le même mais cette fois l’issue électorale risque d’être différente.
Le soutien de Valls était attendu. Il témoigne à la fois du mépris de la parole donnée (lors de la primaire), d’une stratégie d’existence et…d’une cohérence politique. Mais surtout, il fait inexorablement voler en éclat la famille socialiste. Le PS n’y résistera pas. Hamon qui n’a jamais eu le temps de constituer son « bloc » politique est lâché en rase campagne par une grande partie des notables, des cadres et des électeurs socialistes. Sa réaction à la trahison vallsienne et son appel au rassemblement de la gauche hésitait entre le désespoir et la résignation. La gauche est en miettes (on reviendra, par ailleurs, sur la dynamique de la campagne Mélenchon et les questions qu’elle pose). « En Marche », le néo-centrisme, en ramasse une partie sans trop le revendiquer pour ne pas effrayer ses autres composantes. Edgar Faure, inoxydable et spirituel ministre radical (centriste) de la IVe et de la Ve République, aimait à dire : « Le centre finit toujours au même endroit, au fond du couloir, à droite…. »