Journal de campagne (7) : La « drôle » de campagne

« Chaque semaine à peu près, il sauvait le monde à peu près » Xabi Molia (in Grandeur de S). (1)

« Drôle de campagne », comme on disait « drôle de guerre » : armes au pied dans l’attente de l’affrontement, du moins pour certains. On savait que la tragédie de Toulouse modifierait inévitablement la campagne. Il ne pouvait en être autrement mais jusqu’où et jusqu’à quand ? Certes, les sondages effectués après l’affaire Merah n’ont pas enregistré de modifications significatives dans les rapports de force. Certes, les réunions ont repris, les questionnements et les polémiques s’installent sur le déroulement des enquêtes et des opérations policières mais elles sont essentiellement le fait de la presse et des seconds couteaux.

Les principaux candidats demeurent dans une posture un peu étrange, comme en suspension. François Hollande campe sur un positionnement présidentiel qui veut prendre de la hauteur et se fait donc plus discret même s’il réamorce peu à peu la critique du sarkozysme.
François Bayrou bat en retraite après avoir été le premier et le seul à mettre en cause les responsabilité du discours sarkozyste sur le délitement social.
Jean-Luc Mélenchon demeure relativement réservé sur les événements de la semaine dernière et essaie surtout d’entretenir la vague porteuse qui lui a donné 13 % d’intention de vote et en a fait le troisième homme de la campagne.
Tous les trois se demandent – à juste titre – comment sortir de la nasse et retrouver le terrain d’affrontement sur la crise socio-économique. Seuls Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen qui, chacun à leur manière, surfent sur le sécuritaire et ses dérivés ou ses dérives, se contentent de cet état de la campagne. Le premier, en particulier, qui peut habilement profiter du plein exercice de ses fonctions régaliennes pour faire oublier encore un peu plus le bilan du Président. Cela n’empêche pas les lieutenants du président-candidat de poursuivre leur pilonnage sur François Hollande.

Et le candidat, lui-même ne se prive pas de dénigrer son rival sur le ton qu’on lui connaît. A Philippe Ridet qui le suivait pour le Magazine du Monde (24 mars 2012), Nicolas Sarkozy, qui tutoie évidemment les journalistes, dit dans un vrai-faux aparté : « Je vais gagner et je vais même te dire pourquoi. Il n’est pas bon et ça commence à se voir. Hollande est nul ! Il est nul, tu comprends. (…) Bien sûr, tu gardes ça pour toi… ». Un off destiné à devenir un « on ». Méthode – et vocabulaire – cultivés par Sarkozy : « Buzz » garanti et la caravane de journalistes d’interroger le « Nul » sur sa réaction…
La semaine qui s’ouvre sera décisive – encore une ! Sarkozy cherche à maintenir une campagne de basse intensité politique tout en maintenant les attaques personnelles de haute intensité : autant de temps gagné pour esquiver le débat sur son bilan. Pour triompher la gauche, François Hollande et Jean Luc Mélenchon, chacun dans son registre, doit reprendre l’offensive et imposer ce débat. C’est vital, pour l’un comme l’autre. C’est vital pour la gauche.

(1) Ecrits au fil du septennat des poèmes courts et sur l’histoire d’une présidence. Sous l’apparence du dithyrambe, Xabi Molia, écrivain, scénariste et cinéaste nous livre ses écrits drôles et cruels. Grandeur de S, Xabi Molia, Seuil, 2012.

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Ceci n’a rien à voir avec tout cela (encore que…) : il faut lire dans Le Monde du 24-25 mars 2012, le plus beau texte sans doute jamais dit dans un prétoire par un procureur de la République. Aux Assises du Nord, le procureur a demandé – et obtenu – l’acquittement d’une femme battue qui, au cours d’une Xe agression, avait tué son mari : http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/03/24/femmes-battues-l-indifference-en-proces-aux-assises-du-nord_1675049_3224.html

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