Journal de campagne (6) : le sens des mots et les amalgames meurtriers

L’irruption sanglante de la tragédie nationale ne pouvait que bouleverser la campagne. Et même si personne ne se pose publiquement la question, tout le monde se demande à qui profitera le drame. Mais cela fait peu de doute. Émissions suspendues, discours rentrés, réunions remises – pendant un temps, très court – chacun a retenu son souffle tout en appelant à l’unité nationale. Nicolas Sarkozy a remisé son costume de candidat cogneur et a revêtu en hâte ses habits de président protecteur.

Le président préside, comme il se doit. Il condamne, il commémore, il compatît, il occupe tout l’écran des émotions. Naturellement les questions de sécurité et de terrorisme prennent le dessus. Elles vont réduire, pour un temps au moins, les débats sur le bilan présidentiel et la crise socio-économique. Pour les autres candidats la question est de savoir comment continuer à exister hors de l’ombre présidentielle. Et pour chacun de s’exprimer sur le drame sans paraître l’instrumentaliser. Plus que jamais, en politique, dire, c’est faire. Le sens des mots et la force du silence se mesurent au millimètre près. Dans un premier temps on pouvait penser que la moindre inflexion hasardeuse, le plus léger contre sens pouvait disqualifier le candidat ou, au contraire, lui conférer la stature de l’homme d’État.


Sarkozy/Copé : le partage des rôles

Mais très vite, dès hier soir, après l’hommage de Nicolas Sarkozy à Montauban lors des funérailles des militaires assassinés auxquelles assistaient cinq des candidats, les lieutenants du président-candidat tiraient à boulets rouges contre François Hollande taxé d’angélisme pour ne pas avoir voté les lois sécuritaires et ni celles contre à l’immigration clandestine. Le lien avec l’affaire Merah inquiète et peut faire présager le pire. L’offensive contre les socialistes est d’une virulence rare qui a étonné y compris jusque dans les rangs de la majorité.

Mais visiblement le partage des rôles était attribué. A Nicolas Sarkozy, la dignité du recueillement et de l’union nationale, à l’UMP, Jean-François Copé, son secrétaire national, en tête, l’abordage contre la gauche. Indigne et indécent répondent les porte-parole de François Hollande. Si elle perdure sur ce ton, la campagne risque de dégénérer. Ce qui serait la plus grande victoire du terrorisme. Les risques que prend aujourd’hui la droite sont considérables. C’est le débat démocratique, le cœur même de l’élection présidentielle, qui est en cause et les amalgames meurtriers qui menacent.

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