Journal de campagne (20) : Le choix de la Bastille

Regarde,

Quelque chose a changé

L’air semble plus léger

C’est indéfinissable

…chantait Barbara en 1981. Oui, « l’air semble plus léger », c’est le premier sentiment après la victoire de François Hollande. Et il fait bon le respirer après 17 ans de présidence de la droite. Et surtout après cinq ans de sarkozysme, et en particulier après sa campagne-poursuite derrière l’extrême droite des dernières semaines. D’autant que l’on a craint jusqu’au dernier moment de suffoquer. Oui, il y avait, hier soir, cette nuit quelque chose « d’indéfinissable ». François Hollande, candidat de la « normalité », du « réalisme », président élu sur « aucune promesse qu’il ne pourrait tenir » a suscité un immense enthousiasme festif sur les places de France.

Il y avait peut-être hier soir à la Bastille plus de monde qu’en 1981 et, au moins, autant de ferveur. Extraordinaire paradoxe où le besoin de changement dont on mesure la profondeur s’affronte à la conscience de la difficulté à le réaliser. Étonnant contraste entre la mesure ou la modestie du propos présidentiel, l’avertissement qu’il n’a cessé de donner sur la difficulté de la tâche qui l’attend, et la ferveur qui s’est manifesté tout au long de la soirée. Ce sont tous les termes de l’équation politique – des contradictions politiques – qui sont ainsi posés. D’une certaine manière, en faisant le « choix de la Bastille » qui n’avait pas été celui de Mitterrand en 1981, en venant s’exprimer devant ses partisans après son adresse officielle (mais non conventionnelle) à Tulle, Hollande fixe le style de sa présidence : une certaine proximité qui ne rompt pas avec la manière dont il a conduit sa campagne et, en même temps, un discours qui intègre tous les « devoirs » présidentiels, y compris dans ses aspects forcement consensuels.

On verra demain, et notamment dans la préparation des législatives, comment le stratège politique s’affirmera (sans aucun doute avec efficacité). On verra aussi comment il réussira à dépasser les termes de ces contradictions. Ce ne sont, en tous cas, pas les débats télévisés qui nous auront éclairés. Jamais couverture médiatique ne fut aussi anecdotique. Avec les écrans fractionnés donnant priorité aux images insaisissables du ballet de la voiture présidentielle et des motos de ses poursuivants, la confrontation politique fut donc évacuée. Avec pour loi déclarée, la « priorité à l’image », une fois de plus, la télévision privait celle-ci de son sens. Mais, malgré tout, cette nuit, « l’air semble plus léger ».

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