Il est assez piquant d’entendre les commentaires d’après la victoire. Journalistes, politologues et experts divers vous le disent en chœur : « François Hollande était évidemment l’homme de la situation ! Son succès est logique ! ». Même ceux qui colportaient avec délectation les aimables sobriquets dont adversaires et « amis » affublaient le candidat socialiste, sont prêts à vous dire qu’ils ne voyaient pas d’autres président. Nous n’étions pourtant pas très nombreux à estimer, dès 2010, alors que DSK ne s’était pas encore disqualifié, que le président du Conseil Général de la Corrèze était bien le candidat socialiste le mieux placé pour remporter les primaires avant de s’installer à la tête de l’état. Par ce qu’il incarnait avec habileté l’anti-modèle du sarkozysme ? Pas seulement !
Hollande est l’un de ceux, après François Mitterrand, qui a le plus labouré la carte électorale de la France. Au cours des ses incessantes pérégrinations, à travers une proximité sans démagogie, il a construit une cohérence qui a forgé son image auprès des socialistes d’abord et des Français, ensuite. Dès octobre 2009, dans un livre d’entretiens, « Droit d’inventaires » [[ François Hollande, « Droit d’inventaire »- Entretiens avec Pierre Favier, Le Seuil, 2009,]] il fixait le cap majeur de son programme, en même temps qu’il se constituait une stratégie : « Je suis convaincu, écrivait François Hollande, qu’il faut assumer la confrontation avec la droite sur l’enjeu fiscal ». Et cette confrontation a été déterminante pour asseoir sa crédibilité et sa volonté de changement pour plus de justice et d’égalité.
Car les enquêtes qui s’affinent, nous le disent aujourd’hui. Hollande a gagné la bataille sur les enjeux sociaux. Au deuxième tour, le candidat socialiste a retrouvé le soutien des classes populaires et de la jeunesse. 58 % des employés et 68 % des ouvriers ont voté Hollande, comme 60 % des moins de 25 ans. Et cela, alors que Sarkozy restait bien le candidat des nantis et des vieux. Ce double clivage socio-économique et générationnel a structuré le vote et a assuré la victoire de François Hollande. Reste maintenant au nouveau président à obtenir confirmation aux législatives. Ce ne sera pas automatique. Mais les résultats du 6 mai devraient lui permettre d’obtenir une majorité qui ne sera peut-être pas absolue. La droite a postposé son implosion et peut espérer limiter les dégâts. Cela dépendra en bonne partie des succès et du pouvoir de nuisance du Front National dont la capacité à imprégner la France de son idéologie reste bien l’autre leçon de ces élections présidentielles.
PS Le Journal de campagne se poursuivra jusqu’aux élections législatives des 10 et 17 juin