Journal de campagne (11) : Prado-Concorde-Vincennes

C’était le week-end de la trilogie Prado-Concorde-Vincennes. Puisque que Jean-Luc Mélenchon rassemble les foules sur les places publiques, François Hollande et Nicolas Sarkozy ont décidé, eux- aussi, de respirer l’air du dehors et de quitter les salles qui ont l’avantage de l’acoustique mais ne produisent plus que des images un peu trop lisses fabriquées par leurs prestataires audiovisuels. Ce sont les mêmes qui livrent les images de « plein air » mais l’impression est plus militante et puisque tous veulent parler au peuple de France…

C’est le Front de Gauche qui ouvrait le week-end et Marseille devait forcément inspirer des accents encore un peu plus lyriques à son candidat, lui qui a vu le jour au Maroc, de parents nés en Algérie et grands-parents en Espagne et arrivait en France par le port de Marseille quand il avait 11 ans. Ode, donc à la Mère Méditerranée et à ses peuples frères, gloire à la France du métissage. « Ecoutez le murmure de l’histoire longue qui travaille en nous », lance Mélenchon, à une foule encore et toujours impressionnante et dont le flot de la Bastille au Prado (la plage de Marseille) en passant par le Capitole toulousain ne cesse de grandir en nombre et en enthousiasme. « Nos combats sont d’abord un poème que nous écrivons ensemble » : le lyrisme du candidat ne l’empêche pas de fixer les deux tâches primordiales pour confirmer la renaissance de cette gauche qui veut l’insurrection civique. « Nous avons besoin de la défaite de la droite extrême. Nous devons expédier à terre le représentant de la droite » résume Mélenchon qui fixe des priorités qui serviront toute la gauche. Le Front de Gauche prend date en affirmant ses propres responsabilités.

« N’ayez pas peur ! Ils ne gagneront pas si vous décidez de gagner » s’écrie Nicolas Sarkozy à la « majorité silencieuse » qu’il a voulu rassembler à la Concorde. « Ne craignez rien ! Ils sont sans doute prêts à tout mais nous sommes prêts à diriger la République » s’exclame François Hollande devant les cohortes socialistes massées devant le château de Vincennes. Forcément il devait y avoir des réponses en échos entre les deux rassemblements. A la Concorde, Sarkozy sans tout à fait recentrer son discours, s’est voulu le rassembleur de toutes les sensibilités de la droite au milieu de laquelle il a placé la fameuse « majorité silencieuse » qui en 1968 siffla la fin de la révolution. Devant la répétition de sondages défavorables et la cruelle absence de réserves de voix pour le second tour, le président-candidat hésitait depuis plusieurs jours entre la poursuite de son offensive vers l’électorat du Front National et un tournant vers les centristes. Il n’a finalement pas vraiment tranché. Et de toute manière après la campagne « à droite toute » qu’il mène depuis le début sous l’inspiration de ses conseillers les plus droitiers, il lui sera bien difficile de récupérer une part significative des voix centristes.

C’est un des atouts de François Hollande qui, lui, au Bois de Vincennes sentait monter « un grand espoir ». Ce qui n’empêcha pas le candidat socialiste d’insister sur les embûches qui guettent encore. Elles sont au nombre de trois : « l’euphorie anesthésiante », l’abstention (que l’on pronostique élevée) et la dispersion à gauche. Plutôt que d’utiliser l’expression « vote utile », Hollande préféra citer François Mitterrand en 1981 : « Je suis le candidat des socialistes, je suis aussi le seul candidat, à gauche, en mesure de l’emporter. Je demande à ceux qui veulent le changement de me donner dès le premier tour tous les moyens de remporter les élections » Ainsi s’exprimait, en son temps, le premier et dernier président socialiste (et il eut largement satisfaction) . Habile mais on verra si cela suffira à faire basculer des électeurs du Front de Gauche. François Hollande a, en tous cas, toutes les cartes en mains. Il est, lui, assuré, d’un bon report de voix et jamais, selon les sondages, le rapport de force Gauche/Droite n’a été aussi favorable : de 44 à 46 % pour la première, moins de 30 % pour la seconde. La « cristallisation » de l’électorat s’est-elle déjà opérée ? On peut le penser même si la dernière semaine de campagne peut toujours apporter quelques surprises.

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