Italie : tractations et contradictions

L’heure est aux tractations plus ou moins discrètes. À la manœuvre, très logiquement, les deux grands vainqueurs du scrutin du 4 mars : la Lega et le M5S qui, chacun, réclament la charge de former une majorité pour l’instant introuvable. On verra plus clair à partir du 23 mars quand les chambres devront désigner leur président. Il faudra bien, alors, esquisser des premiers accords qui pourront dessiner les contours d’une éventuelle majorité. Dans l’immédiat, deux scénarios sont possibles, mais plutôt improbables : un accord entre les deux vainqueurs qui additionneraient provisoirement leurs forces et leurs populismes pour adopter une nouvelle loi électorale (majoritaire, cette fois) et organiser au plus vite de nouvelles élections.

Au marché Ballaro de Palermo, un forain se réjouit du succès du M5S…

L’autre hypothèse encore plus douteuse serait la formation d’un gouvernement guidé par les 5 Stelle et appuyé par le PD, voir LeU. Di Maio a fait des appels du pied dans ce sens. Et à gauche, des voix – essentiellement des intellectuels et des commentateurs-se sont prononcées en faveur d’un tel accord qui serait limité dans le programme et dans le temps. Mais au PD, à quelques exceptions près, les dirigeants comme les inscrits, rejettent toute coalition avec le M5S qui achèverait de déchirer le parti. Les partisans d’un tel rapprochement se fondent essentiellement sur le transfert de voix qui s’est opéré le 4 mars : le M5S a littéralement aspiré une partie de l’électorat de gauche ; principalement dans le sud, mais aussi, dans une moindre mesure, dans les anciens « bastions rouges » du centre. Les chiffres témoignent. À Tarente, ville sidérurgique, les Cinque Stelle ont obtenu 47,5 % des voix et à Naples 52,4. En Sicile, ils ont enlevé 28 collèges électoraux sur 28 ! Selon une étude postélectorale[1], le PD recueille l’adhésion de 10,3 % des chômeurs et 11,3 % des ouvriers, LeU obtient respectivement 0,6 et 1, 6 alors que les Cinque Stelle totalisent 37 % de soutien dans les deux catégories sociales. Mais l’erreur — ou le pari risqué — serait de penser que le M5S, mouvement populiste transversal et interclassiste va pour autant s’orienter à gauche. Di Maio est un libéral radical et un pourfendeur des services publics tandis que la question de la lutte contre les inégalités est absente de son programme, sans évoquer, ici, la question migratoire.

 

Certes, le M5S est aujourd’hui un nœud de contradictions. Luigi Di Maio et son état major qu’il a désigné seul et hors de toutes les règles de la démocratie directe ont introduit le M5S dans le jeu politique traditionnel. Et même si le discours contre la « caste » est encore d’usage, cette normalisation s’accompagne aussi du recyclage de vieux routiers de la politique italienne ou de l’élection de jeunes technocrates bien peu « mouvementistes ». Il n’en demeure pas moins que le M5S, comme la Lega, est aujourd’hui incontournable. L’architecture politique et institutionnelle italienne nous a certes habitués à résoudre ce qui apparait ailleurs comme la quadrature du cercle, mais il n’est pas certain que le contexte actuel permette encore de telles sorties de crise.

[1] http://temi.repubblica.it/micromega-online/la-sinistra-che-fu-il-m5s-e-il-voto-di-classe/

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