Italie : le scénario de l’impossible

Le scénario était écrit : il se confirme 40 jours après le scrutin du 4 mars. Alors que le président de la République Sergio Mattarella entame un nouveau tour de consultation, la formation d’un gouvernement semble encore aussi hasardeuse, sinon impossible. Les deux vainqueurs des élections revendiquent toujours la charge de président du conseil. Luigi di Maio au nom des Cinque Selle, premier parti du pays. Mateo Salvini pour la Lega désormais hégémonique au sein de la première coalition qui rassemble la droite radicale. Les deux hommes se sont entendus pour effectuer une razzia sur les charges parlementaires qu’ils contrôlent totalement.

Au lendemain des  élections, Di Maio et Salvini enlaçés sur un « mural » au centre de Rome: le scénario imposssible ?

 

Cette entente inédite pour le partage du pouvoir institutionnel ne signifie pas pour autant qu’ils sont en mesure de former une majorité gouvernementale. Pour des raisons de programmes, mais aussi d’objectifs tactiques et stratégiques. Certes, ils pourraient s’entendre pour négocier un gouvernement chargé de préparer rapidement un nouveau scrutin avec, cette fois, une loi électorale qui permettrait de dégager une majorité incontestable ( la leur…). En attendant, Di Maio et Salvini jouent au poker menteur, alternant rapprochements et reproches sans que l’on sache vraiment s’ils ont la volonté et la capacité de prendre ensemble les rênes du pouvoir.

Dans la tourmente depuis sa déroute électorale, le PD tangue un peu plus. Désormais, partisans et adversaires d’une éventuelle majorité avec le M5S s’affrontent ouvertement. Di Maio a ouvert un portillon dans lequel s’engouffrerait volontiers une partie des Démocrates. Pour ceux-ci, le transfert de nombreuses voix de centre gauche vers les Cinque Stelle suffit à justifier un accord avec ces derniers. Et puis, disent ceux-là, il faut bien empêcher une majorité M5S-Lega. Du côté de Renzi et de ses amis toujours puissants au PD, il s’agit avant tout de reprendre le pouvoir au sein du parti et de se cantonner dans l’opposition politique. Un accord PD/M5S sur des points et des objectifs limités n’est pas à exclure, mais tout aussi incertain que les autres hypothèses. Les éditorialistes et commentateurs de la presse institutionnelle rêvent, eux, d’une troisième issue : celle d’un gouvernement technique ou rassemblant la plus large majorité possible qui permettrait de temporiser et d’attendre des « jours meilleurs ». Face à l’usure et à l’impasse, il n’est pas exclu que le président de la République finisse par répondre à leur souhait. Même si il devrait logiquement  d’abord chargé Di Maio ou Salvini d’une mission de formateur.

De toute manière, ce jeu essentiellement politicien auquel participent allègrement les forces antisystèmes ne modifiera en rien le rapport de force actuel dans une Italie qui n’a jamais été aussi à droite depuis la Deuxième Guerre mondiale. La gauche, elle, panse ses plaies et s’interroge discrètement sur la manière de reconstruire un mouvement social qui permettrait d’envisager sa renaissance progressive. Mais ce n’est que début d’une longue marche.

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