Italie : la gauche désabusée

Mercatale VP, le 4 mars 2018

La première fois que je suis venu à Mercatale Val di Pesa, (province de Florence) c’était en 1976… Il y a 42 ans — un siècle —, on l’appelait encore la « Piccola Russia » (La Petite Russie) : on votait ici à plus de 70 % pour le PCI d’Enrico Berlinguer. Le parti, c’était la vie. Un peu trop sans doute. Mais quelle aventure au quotidien ! J’avais rencontré les « quatre de Mercatale » : Fabiana, Carlo, Claudio et Vincenzo (le seul toujours actif au PD). Trois hommes et une femme, comme dans « Nous nous sommes tant aimés »[1]. Je les ai accompagnés durant 22 ans pour la réalisation d’un documentaire[2] qui racontait ce que peut être la politique dans son sens le plus fort et le plus noble.

1982 Les Quatre de Mercatale

Certes, l’histoire a fait son œuvre. On sait ce qu’il est advenu de ce « communisme démocratique ». Et chacun a fait son deuil et son chemin, mais tous sont restés fidèles à leurs valeurs. Et ils incarnent, chacun à leur manière, les contradictions de la gauche italienne. Je n’arrive plus à les réunir tous ensemble à Mercatale où je retourne souvent, mais nous parlons. Ce matin, trois d’entre eux voteront pour le PD. Ils n’ont aucune affinité avec Renzi, mais alors aucune… Mais ils sont « politiques », me disent-ils : il y a dans cette justification le sens des responsabilités (faire barrage à la droite extrême au aux M5S, le peu de crédibilité des alternatives) et sans doute la vieille légitimité du « parti », même si celui-ci n’a plus aucun lien avec ses origines. Et puis, la quatrième de la bande, Fabiana, «  la donna », la militante devant l’éternel (dans l’associatif), celle qui était sans doute la plus attachée au PCI, mais aussi la plus rebelle, elle votera, sans doute et sans trop de conviction, « Potere al Popolo », un mouvement de la gauche radicale, marginal et qui risque d’être éphémère.

D’autres proches de mes amis, choisiront Liberi e Uguali[3]. Je ne dirais pas, « peu importe », car chaque vote aura des conséquences. Mais l’essentiel est sans doute ailleurs. Aucun choix à gauche n’est aujourd’hui satisfaisant. La seule raison d’espérer est que chacun sur sa position et son choix électoral (par défaut pour tous) demeure convaincu que les valeurs de la gauche — dont l’égalité au premier rang — doivent trouver un autre mode de représentation. Il y a du travail. En attendant, pour la première fois à Mercatale, je n’ai vu aucune affiche électorale. Il y a eu une seule réunion — du PD — avant le scrutin. Et ce soir, la Casa del Popolo (dernier lieu d’agrégation sociale) fermera sans doute ses portes avant que ne sorte la première estimation des résultats. Faute de combattants…

 

 

[1] Le film d’Ettore Scola

[2] « Il Fare Politica » — Chronique de la Toscane Rouge 1982-2004. On peut se procurer sur : http://www.derives.be/films/il-fare-politica

[3] Voir les Blog-Notes précédents sur le sujet

Ce contenu a été publié dans Blog. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.