Il y a un an, jour pour jour, Manuel Valls arrivait au pouvoir sous le signe de la cinglante défaite des municipales qui lui avait permis de remplacer Jean Marc Ayrault. Le premier anniversaire de son gouvernement est marqué par la défaite tout aussi brutale des départementales. Mais rien n’y fait, Valls persiste et signe : non seulement il n’y aura « pas de changement de cap » mais les « réformes » seront poursuivies et même accélérées. Une loi Macron 2 est annoncée et le credo social libéral du PS est réaffirmé contre défaites et débâcles. Et pourtant, en même temps, François Hollande et Valls n’ont qu’un objectif stratégique : refaire l’union de la gauche pour éviter une nouvelle catastrophe électorale aux régionales de décembre prochain (encore plus risquées par un scrutin partiellement proportionnel) et surtout pour tenter d‘empêcher l’élimination du candidat socialiste dès le premier tour des présidentielles de 2017. Mais rassembler les Verts et le PCF, voire même demain la gauche du PS sans changement de ligne politique est évidemment impossible. L’aveugle obstination du pouvoir socialiste n’est pas la seule contradiction de la situation politique au lendemain de ce scrutin départemental.
La droite qui peut se targuer d’une victoire inespérée dans son ampleur, vit, elle aussi, sous le signe de la contradiction permanente. Sarkozy a gagné en réalisant une synthèse stratégique audacieuse mais risquée : il a rassemblé droite et centre – la ligne de son rival Alain Juppé qui s’est fait confisquer son identité politique – tout en déclinant un discours ultra droitier pour coller à l’électorat du FN. Coup gagnant pour ces départementales mais sans doute impossible à tenir sur le long terme.
Le FN, lui, est plutôt victime de la contradiction des chiffres : plus de 5 millions d’électeurs au premier tour, 25 % des voix pour terminer au second tour avec moins de 6% des élus (62 sur 1100 cantons) et sans arracher le moindre département. Le système électoral le veut ainsi et le FN ne dispose pas de réserves de voix suffisantes au second tour même s’il peut compter sur la porosité de l’électoral UMP avec le sien. En cas de duel FN/PS, celui-ci s’est porté majoritairement sur le parti de Marine Le Pen. Il n’est pas certain que la sous-représentation absolue de l’électorat FN dans les institutions démocratiques soit la meilleure façon de combattre l’extrême droite. Elle aurait même plutôt tendance à renforcer le sentiment d’exclusion déjà déterminant dans le choix de ses électeurs.
Mais dans ce tableau post électoral, il faut revenir au PS qui dans ce nouvel épisode de son cycle de défaites met en jeu son existence même. Le constat est irrémédiable : au fur et à mesure que le FN s’implante territorialement, le PS s’évanouit localement. A l‘exception notable du Sud-Ouest en passe de devenir la dernière « réserve » socialiste [[On y reviendra prochainement.]]. Les conséquences de cette hémorragie d’élus (municipaux d’abord, départementaux ensuite, régionaux demain) est dramatique pour les socialistes. Car depuis toujours le PS (et déjà à l’époque de la SFIO) est fondé sur un certain « socialisme municipal » [[Voir à ce sujet l’intéressante analyse de Remy Lefebvre, « L’irrésistible autodestruction du PS », Le Monde du 1er avril 2015 ]]. Le PS n’est ni un parti d’adhérents, ni de militants mais un parti d’élus et donc de notables (et parfois de clients), ce qui explique pour une part son peu de goût ou même son incapacité à mener des débats idéologiques et à s’interroger sur sa ligne politique. La perte massive d’élus risque donc bien de plonger le PS dans une crise encore plus profonde, sinon fatale. Ce n’est pas la moindre leçon de cette dernière séquence électorale.