Elections italiennes (5) : le laboratoire exceptionnel

Au lendemain des élections, à Rome, un commentateur avisé rappelait que l’Italie a toujours été considérée comme un laboratoire ou une exception politique. Cette fois, ajoutait-il, nous devenons un laboratoire exceptionnel ! Le blocage politique quasi inextricable, l’énigme que sera l’attitude du bataillon des nouveaux élus du Mouvement 5 Stelle, la gestion que fera Berlusconi de son succès inespéré comme celle d’ailleurs que fera Bersani d’une victoire qui a des allures de défaite, sans oublier les leçons à retirer pour l’Europe de ce énième désaveu des urnes quant à sa politique d’austérité aveugle : voilà autant d’ingrédients souvent encore indéchiffrables que ce laboratoire exceptionnel va devoir analyser pour rendre un sens à l’avenir de l’Italie.


– « Sur le WEB, il y a un tas de « grillinistes » qui tentent de raisonner Grillo

 On voit qu’il les a habitués à l’utopie »
(Staino sur L’Unita du 28.02.2013)

Le succès triomphal de Beppe Grillo demeure le centre des interrogations et la source de remises en questions fondamentales. Il faudra encore affiner les analyses mais si on sait déjà que ce mouvement a puisé quasi à égalité dans les électorats de la droite et de la gauche, il s’implante d’emblée avec force dans quelques grands bastions ouvriers : premier parti à Mirafiori, le quartier général de Fiat à Turin mais aussi dans les pôles de l’industrie chimique de Mestre et Port Marghera, près de Venise et encore premier parti dans le port et les quartiers industriels de Gênes. Il y a là un vrai tremblement de terre politique d’autant que Beppe Grillo n’hésitait pas dans ses discours à réclamer la suppression des syndicats, comme d’ailleurs de tous les corps intermédiaires. Mais ce succès-là pose des questions vitales à la gauche qui modérée ou radicale n’est plus capable de recueillir et de porter la protestation des couches populaires les plus frappées par la crise. Et cette gauche, ou plutôt ces gauches, n’ont pas compris le glissement qui s’est opéré.


Premier parti dans les bastions ouvriers…

Si Berlusconi a incarné et exalté la révolte antifiscale, les 5 Stelle ont, en quelque sorte, reconverti la protestation sociale en contestation du politique. Plus que tout autres, ce sont les privilèges d’une classe dirigeante trop souvent corrompue ou simplement hors du réel qui ont cristallisé la contestation et les frustrations socio-économiques. Prisme déformé mais qui s’est imposé. Pendant la campagne, la gauche était le plus souvent à la télévision assimilée au pouvoir des palais, abandonnant les places à Grillo qui était le seul capable de les remplir. La « piazza contro il palazzo », la place contre le palais, une révolte qui remonte à la nuit des temps mais qui a besoin de la politique pour réaliser le changement.

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