Une semaine après le scrutin, l’impasse est totale et aucune solution ne se profile. Pierluigi Bersani, le « vainqueur-perdant » de ces élections, comme le surnomme la presse italienne, a certes pris ses responsabilités en proposant un « gouvernement du changement » qui présenterait quelques mesures clefs au premier rang desquelles une loi anti-corruption, une réforme de la loi électorale, une diminution drastique des coûts de la politique et des mesures socio-économiques en faveur de ceux qui sont les plus touchés par la crise. Bersani qui joue son va-tout ne veut pas de négociations entre partenaires éventuels mais il invite les parlementaires de toutes les formations à se définir par rapport à ses propositions qui émaneraient donc d’un gouvernement minoritaire.
Bersani joue son va-tout
Et, bien entendu, il en appelle aux élus du Mouvement 5 Stelle qui logiquement devraient se retrouver dans ses propositions. Mais rien n’est aussi simple. D‘abord parce que Beppe Grillo qui traite Bersani de « mort-vivant » ne l’entend pas de cette oreille sans fixer, par ailleurs, une attitude très claire. Un débat s’est installé au sein des 5 Stelle entre les partisans d’un appui circonstanciel aux mesures proposées par le secrétaire national du Parti Démocrate et ceux qui refusent toute collaboration avec « la caste ».
Grillo, masqué, fait son jogging sous l’œil des caméras
Le PD, lui-même, n’échappe pas non plus aux dissensions internes même si elles sont encore feutrées. Le centre-gauche est certes le premier parti (en élus) à la Chambre et au Sénat (ici sans majorité possible) mais il perdu quelques 3.500.000 voix par rapport à 2008 et on estime (il faudra affiner) qu’un tiers au moins de ces électeurs ont rejoint Grillo pour des raisons diverses qui s’appellent désespoir, désillusion et forte demande de changement (du parti lui-même et de sa politique). Quel changement ? Là aussi, on demeure dans le doute et les contradictions. Des voix se sont fait entendre dès le lendemain du scrutin chez des partisans de Matteo Renzi, affirmant que le maire de Florence, battu aux primaires de décembre, aurait fait mieux que Bersani. Pure spéculation mais qui témoigne des tensions au sein d’un PD déçu et frustré d’une victoire qui lui semblait pourtant promise. Renzi qui a fait preuve d’une loyauté exemplaire durant la campagne reste discret mais prépare des lendemains qui, tôt ou tard, devraient lui être favorables. Les bouleversements politiques et idéologiques au sein du PD sont encore à venir. En attendant, c’est en tous cas l’ensemble du parti de centre gauche qui refuse toute alliance avec Silvio Berlusconi qui, lui, ne rejette pas l’idée d’une grande coalition. La dessus, au moins, toutes tendances confondues, le PD a conscience qu’une telle alliance serait pour lui un suicide politique.
Napolitano en fin de mandat
Mais rien ne permet, pour l’instant, de prévoir quel scénario l’emportera. Jusqu’ici Pierluigi Bersani n’est qu’un candidat premier ministre autoproclamé. Le président de la République, Giorgio Napolitano, n’entamera ses consultations officielles qu’après le 15 mars, date de la rentrée parlementaire. On le sait défavorable à un gouvernement minoritaire. Faute d’un accord politique très improbable, on pourrait en venir à une nouvelle équipe « technique » (le grand perdant des élections, Mario Monti, aurait-il encore quelque légitimé pour la conduire ?). Ce qui préparerait du même coup de nouvelles élections à l’issue encore plus imprévisible. Il ne faut pas oublie, de surcroît, que le mandat de Napolitano vient à échéance le 15 mai et que les premiers scrutins débuteront au Parlement le 15 avril. C’est donc dans l’ imbroglio politique le plus total que les parlementaires devront aussi désigner un nouveau chef de l’Etat. Depuis la fondation de la première République en 1946, l’Italie n’avait connu une telle incertitude politique.