Elections italiennes(1): »Il était une fois la politique… »

Mercatale, 21 février 2013[[Mercatale où j’ai tourné plusieurs documentaires depuis 1982 est, en quelque sorte, mon baromètre politique de l’Italie.]]

« Tempo fa », « il y a longtemps », Mercatale, comme de nombreux autres villages de la Toscane rouge était une sorte de temple de la politique. Et ses servants étaient légion. La participation des citoyens à la chose politique était dans doute la caractéristique la plus frappante d’une vie démocratique intense. C’était, il est vrai, au siècle dernier, au temps de la splendeur du Parti communiste italien qui scandait la vie de la communauté et faisait de l’Italie, avec la France, le pays le plus politisé d’Europe. Chaque campagne électorale était émaillée de débats et de rassemblements qui étaient le point d’orgue d’une activité politique permanente.

Aujourd’hui, même à Mercatale la campagne est morne. Les panneaux électoraux sont vides, seules quelques affiches mal collées rappellent que l’on vote dimanche et lundi. Hier soir à la Casa del Popolo, lieu de tous les rendez-vous, quelques fidèles peu nombreux et déjà convaincus sont venus écouter la tête de liste régionale du Parti démocrate. En deux décennies un exceptionnel tissu social s’est lentement délité. La crise, le désenchantement, l’absence de véritable alternative, la déliquescence de l’héritage du PCI et surtout vingt ans de berlusconisme sont passés par là.

Aujourd’hui les places se remplissent pour Beppe Grillo, ce comique populiste qui exalte l’antipolitique, dénonce « la caste », comme il dit, – en fait tous les corps intermédiaires – dans des monologues d’une virulence jamais atteinte depuis l’époque du fascisme. Et quand il annonce sous les exclamations, que dimanche « il ouvrira le parlement comme une boîte de thon », les mots résonnent étrangement. Il est vrai qu’une grande partie de la classe dirigeante empêtrée dans les affaires et enveloppée dans ses privilèges a tout fait pour susciter rage et rejet. Comme jadis Berlusconi dont il est finalement le double paradoxal, Grillo a fait de l’antipolitique sa politique.

– Berlusconi est préoccupé. Il voit en Grillo un grand risque pour le pays…
– Il ne supporte pas la concurrence…
(La Repubblica 21.02.13)

Et ainsi il s’apprête à envoyer une centaine de députés au Parlement. Comme Berlusconi lui-même peut réussir un score non négligeable, la partie s’annonce difficile pour le centre-gauche, encore en position de favori comme pour le centre droit de Mario Monti qui peine à trouver son espace politique. L’alliance de ces deux centres reste l’hypothèse la plus vraisemblable mais le vote des protestations contradictoires peut aussi rendre l’Italie ingouvernable. Car même à Mercatale, vieille terre de la raison et du progrès, Beppe Grillo aura trouvé ses électeurs…

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