J’évoquais la semaine dernière « l’impossible réforme bancaire et financière» et j’y reviens. Car entretemps à été publié en France un manifeste revigorant : le « manifeste des économistes atterrés » , initié par 4 économistes français de renom, dont Henri Sterdyniak, de l’Observatoire français des conjonctures économiques, et rejoints depuis par plusieurs centaines de leurs collègues nationaux et européens. « Atterrés » tout d’ abord par le constat que la crise économique et financière qui a ébranlé le monde en 2008 n’ a pas affaibli des schémas qui orientent les politiques économiques depuis trente ans. On parle bien entendu ici des schémas néo-libéraux qui ont fait la preuve de leur faillite retentissante et répétée.
« Atterrés », encore parce qu’en dépit de la crise et de ses effets, le pouvoir de la finance et des marchés n’est pas remis en cause. En Europe, au contraire, ajoutent les signataires, les Etats, sous la pression des institutions européennes et internationales et des agences de notation, appliquent avec une vigueur renouvelée des programmes de réformes et d’ajustements structurels qui ont dans le passé montré leur capacité à accroître l’instabilité économique et les inégalités sociales. Impossible d’entrer dans les détails de cette analyse qui dénonce 10 fausses évidences et suggère 22 propositions pour sortir de l’impasse. Mais il y a du travail d’information à fournir car on notera avec les «atterrés » que la plupart des experts qui interviennent dans le débat public le font pour rationaliser les politiques actuelles de soumission des politiques économiques aux exigences des marchés financiers.
Et si l’on ne veut prendre en compte qu’un seul exemple de ces fausses évidences, prenons une des plus répandues selon laquelle la dette publique qui nous menace est le résultat d’un excès de dépenses, sociales essentiellement. Or note le manifeste, l’explosion récente de la dette publique en Europe et dans le monde est pourtant due à tout autre chose : aux plans de sauvetage de la finance et surtout à la récession provoquée par la crise bancaire et financière qui a commencé en 2008 : le déficit public moyen dans la zone euro n’était que de 0,6% du PIB en 2007, mais la crise l’a fait passer à 7 % en 2010.
De plus, la montée de la dette publique provient largement non pas d’une tendance à la hausse des dépenses publiques mais de l’effritement des recettes publiques, du fait de la faiblesse de la croissance économique et de la contre-révolution fiscale menée par la plupart des gouvernements depuis vingt-cinq ans. Du bon sens, de l’air frais, ces économistes « atterrés » sont aussi inspirés. Puissent-ils être aussi écoutés…