Dans le paysage politique européen, il n’y a pas que la Belgique qui traverse une crise profonde. Certes, notre crise nationale présente des spécificités que l’on ne retrouve pas ailleurs, du moins pas dans la même configuration. Mais si l’on porte un regard sur nos voisins et même un peu au-delà, on peut parler des crises de la démocratie européenne. Si les congrès des partis concernés confirment l’accord conclu entre libéraux et démocrate chrétiens, le gouvernement hollandais ne pourra survivre qu’avec le soutien des populistes xénophobes. En Italie, s’il a finalement et difficilement obtenu hier soir un vote de confiance au parlement, Silvio Berlusconi vivote entre scandales et affaires, cherche avant tout à se protéger des foudres de la justice et doit désormais compter avec la menace sérieuse de son meilleur ex-allié, Gianfranco Fini.
La France, arrêtons-nous aujourd’hui à elle, vit la décomposition du sarkozyme. L’omniprésent président qui a pensé pouvoir occuper tout l’espace politique à lui tout seul doit faire face à une impopularité sans précédent. Dans son propre camp, il a tenté d’effacer un premier ministre qui non seulement le devance largement dans les sondages mais apparait désormais comme une alternative crédible au chef de l’état. L’argent-roi, les conflits d’intérêts, la confusion des genres ont supplanté la « république irréprochable » que le président prétendait instaurer. De plus, par sa gestion des questions sécuritaires, par la chasse aux Roms qui a indigné jusqu’à la Commission européenne – ce qui n’est pas chose aisée-, Nicolas Sarkozy a une nouvelle fois succombé à la tentation de chasser sur le terrain de l’extrême-droite. Ce qui profitera inévitablement au Front National qui bénéfice d’une nouvelle légitimation présidentielle de ses propres positions idéologiques. Décidemment, contrairement au vieil adage, la fonction ne fait pas toujours l’homme.
A l’instar de la France, plusieurs grandes démocraties européennes vivent donc une crise politique d’importance alors qu’elles doivent encore affronter les effets les plus durs de la crise financière et bancaire. Les mouvements sociaux qui se dessinent pour refuser l’austérité, comme l’a notamment démontré l’imposante manifestation syndicale européenne d’hier, indiquent, par ailleurs, qu’une opposition populaire se réveille. Et quelles que soient leurs situations respectives, les gouvernements et les institutions européennes devront en tenir compte.