« Chœurs en exil »: revivre l’Arménie

Parfois par la grâce du cinéma et la sensibilité de ses réalisateurs, un film, comme un homme, « devient ce qu’il doit être ». « Chœurs en exil », le film de Nathalie Rossetti et Turi Finocchiaro est de ceux –là. Il est le documentaire dans ce qu’il a de plus profond : un mode inégalable d’appréhension du monde qui offre au spectateur sa place de protagoniste de l’histoire.

« Chœurs en exil » qui évoque le génocide arménien aurait pu être un film de circonstances – il aurait alors eu le soutien des télévisions dont aucune n’est présente dans la production de ce long travail qui demandé sept ans d’élaboration et de construction. Mais Finocchiaro et Rossetti avaient choisi une autre voie : celle d’un parcours initiatique où les sons, la musique, les mots, les corps et les cris rendent compte autant d’une mémoire que d’un avenir et interrogent la souffrance des descendants des victimes comme les tourments des héritiers des bourreaux.

Photo Magdalena Madra

Pour incarner ce voyage il fallait des femmes et des hommes d’une générosité sans pareil : ils peuplent le film et sa quête. Aram Kerovpyan et sa femme Virginia qui avec la chorale Akn transmettent les chants liturgiques arméniens aux communautés de la diaspora. Leur rencontre avec le metteur en scène polonais Jarek Fret de l’institut Grotowski à Wroclaw et ses acteurs du théâtre Zar dont le travail décisif sur le corps incarnera avec force et pudeur le supplice des victimes. Le voyage sur les traces du génocide passera aussi par Istanbul où Aram retrouve son ami, Altug, journaliste et musicologue qui était un proche de Hrant Dink fondateur du journal bilingue turco-arménien Agos. Dink militait pour la reconnaissance du génocide mais surtout pour la réconciliation et le vivre ensemble condition indispensable, à ses yeux de militant de gauche et pacifiste, pour l’établissement d’ une véritable démocratie turque. Il fut assassiné en 2007 par un nationaliste turc.

Photo Maël G. Lagadec

Dans les paysages somptueux de l’Anatolie et dans les villes fantômes de l’Arménie historique dont les restes évoquent la grandeur détruite, cette étrange et magnifique communauté fait revivre un peuple. Sans discours péremptoire, loin de tout esprit de vengeance, dans la conviction que la mémoire se construit aussi pour un avenir, ces « Chœurs en Exil » magnifiquement filmés nous donnent une leçon de vie. « Chaque fois qu’on chante, dit Aram Kerovpyan, il y a une attitude qui signifie que c’est à chaque fois la première fois. C’est un principe très important pour le chant liturgique. C’est du bourdon, de la basse continue, que jaillit le chant. C’est un moment d’extrême concentration, de grâce. »
Allez voir ce film qu’aucune télévision belge ou française ne vous montrera et qui a été produit contre vents et marées. Il passe cette semaine à l’Aventure à Bruxelles. Pour les autres projections consulter le site : http://www.choeurs-en-exil.com/


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