Cela commençait très fort, ce mercredi 2 octobre dans le magazine « Question à la Une », consacré au thème « Petits partis, grand danger ? » autrement dit au populisme, au radicalisme et à l’extrémisme politique (de droite et de gauche). Le parallélisme implicite et parfois explicite entre les deux familles idéologiques était déjà un point de départ contestable et propice à toutes les confusions. Ce que les premières images du sommaire confirmaient d’emblée puisque l’on y voyait notamment Raoul Hedebouw, le porte-parole du PTB pris en « sandwich » entre Mischaël Modrikamen du PP et une manifestation d’Aube Dorée. Comme si, d’une certaine manière, « tout ça se valait… ». On sait ce que ce genre de montage peut laisser comme trace chez le téléspectateur.
« Tout se vaut… ? »
Le reportage tentait bien à certains moments de décortiquer des points de programmes, des pratiques de propagande ou des aspects de personnalité et des spécialistes interrogés apportaient des lumières plus nuancées sur les différentes familles politiques et leur positionnement idéologique mais la méthode choisie aboutissait, consciemment ou non, sur le terrain des amalgames. Selon le Robert, l’amalgame est « une méthode consistant à englober artificiellement, en exploitant un point commun, diverses formations ou attitudes politiques pour les discréditer ». Détail piquant : l’amalgame était une des armes de propagande favorites du stalinisme… Il ne s’agit évidemment pas ici de faire un procès d’intention aux auteurs et responsables de cette émission mais le prisme adopté ne pouvait qu’entretenir la confusion.
Car il n’est jamais fondamentalement question de l’opposition des valeurs contradictoires portées par les différents courants politiques. La solidarité et l’égalité, d’une part, le repli et l’exclusion, d’autre part, apparaissent finalement comme des valeurs équivalentes dans le discours médiatique du simple fait qu’elles sont défendues sous le signe de la radicalité. La vulgate audiovisuelle rend tout égal : gauche radicale = droite radicale avec, sous-entendu, une menace pour la démocratie et le risque de dégénérer en « Aube Dorée ».
Et c’est ici que le procédé entretient l’équivoque car si le PTB et la gauche radicale, en raison précisément des valeurs défendues, se situent naturellement aux antipodes des néo-nazis grecs, la droite « décomplexée » du PP, malgré des accointances douteuses, ne peut non plus être associée à « Aube Doré » comme des associations d’images ou de séquences pourraient le laisser supposer. De même, l’absence de véritable analyse du phénomène populiste amène à placer droite et gauche radicale sous la même bannière. Alors que le populisme n’est pas en soi une idéologie mais qu’il se manifeste à gauche et droite sous des formes différentes même si dans les deux cas il veut directement incarner la « voix du peuple ».
Le PTB qui a le vent en poupe sera encore certainement – et légitimement- l’objet de décryptages médiatiques et politiques [Pour en savoir plus sur le PTB et plus généralement sur la gauche radicale, voir le dernier numéro de la revue Politique, (n°81, septembre/octobre 2013) : « [Le retour de la gauche radicale – Entre espoir et impasse»]]. La proximité des échéances électorales ne fera qu’accentuer le phénomène. Et soit dit en passant le PTB se tirerait une belle épine du pied s’il était plus clair dans la critique de certains de ses choix du passé et notamment sur le statut de ce fameux manuel du « Parti de la Révolution » aux vieilles senteurs staliniennes. En l’absence d’un positionnement net – qui correspondrait d’ailleurs incontestablement à l’évolution général du PTB – l‘opuscule de Ludo Martens lui reviendra régulièrement à la figure comme un boomerang politique. Ses concurrents et adversaires ne s’en priveront pas. Et c’est précisément par ce qu’il s’affirme aujourd’hui comme une alternative politique qui a quitté les sentiers groupusculaires et sectaires que le PTB sera au centre des polémiques. Hier d’ailleurs le reportage de la RTBF s’achevait sur les images de ce parti et de son représentant en posant la question faussement naïve dans la prochaine perspective électorale : « si ces petits partis bousculent les grands, sont-ils pour autant dangereux ? – et de répondre- Au vu de leur poids électoral, ils ne constituent pas vraiment une menace pour notre démocratie mais certains discours extrémistes sont parfois inquiétants ». « Certains » ? Mais lesquels ? La conclusion rejoignait l’introduction dans une confusion aboutissant à faire de l’expression radicale une cause commune au-delà de ses antagonismes irréductibles et de ses contradictions indépassables. Et à qui profitera la confusion…