Au moment où la France pleure encore son équipe perdue à Kiev – et pour cette dernière chronique de la saison- je voudrais vous recommander un petit livre subtil, intelligent et émouvant. « Gagner à en mourir » de Pierre-Louis Basse, paru récemment chez Robert Laffont, c’est une autre façon de parler du football, d’un match impensable qui se déroula un jour sur les terres mêmes de l’Euro 2012. Pierre-Louis Basse est un ancien reporter sportif qui fit les beaux jours du ballon rond avant de s’accomplir en écrivain et de nous offrir quelques pages d’une littérature hors du commun.
Le cœur du récit – sa surface de réparation- est l’histoire méconnue d’un « match invisible » dont il n’existe pas d’image, celui qui le 9 août 1942 opposa les joueurs ukrainiens du FC Start à une sélection des meilleurs joueurs de l’Allemagne nazie. Au stade du Zenith, les joueurs ukrainiens, souvent issus du Dynamo- savent que s’ils gagnent, ils risquent la mort. Les occupants exigent la victoire. Et pourtant les Ukrainiens jouent et gagnent. « C’était un match à pas comptés vers la mort » écrit Basse. Ils seront arrêtés, emprisonnés, et pour la plupart exécutés par les Nazis pour le prix d’une victoire qui était une résistance. Mais avant d’en arriver là, Pierre Louis Basse prend des chemins de traverse. « J’ai aimé le foot comme on aime son enfance », écrit-il. Mais ce foot était d’emblée mâtiné d’histoire car l’auteur nait et grandit dans une famille communiste à une époque, rappelle-t-il où « Le PC représentait encore 20 % de l’électorat et où, comme il dit, sa mère Esther « ne plaisantait pas avec la construction du socialisme.
Le jeune Pierre Louis Basse regardait donc les matchs avec les yeux d’un petit Komsomol – d’un jeune militant communiste- et ne supportait que les équipes soviétiques. Et c’est ainsi qu’il retrouva la trace de ce match du 9 aout 1942. Mosaïque de mémoire personnelle entrelacée de fragments d’histoire de la seconde guerre mondiale, confrontation des mots et des morts et souvenirs de cette culture communiste aujourd’hui perdue pour l’auteur mais qui a laissé des traces. Il y a des moments privilégiés pour lire un livre : pour dépasser la bourrasque médiatique de l’Euro, aujourd’hui est le temps de « Gagner à en mourir ».