Le coup de Macron-le-petit

« Ainsi s’élabora (…) la théorie de l’homme providentiel, seul possesseur d’on ne sait quel Saint-Graal qui lui eût conféré l’équivalence mystique du sacre, vocation essentielle et permanente à gouverner la France. »

François Mitterrand, Le Coup d’État permanent », Julliard 1984 (réédition), p.77

François Mitterrand parlait évidemment de De Gaulle qui tranchait alors que Macron, lui, bricole pour préserver un pouvoir qui ne lui revient pas. Notamment celui de vouloir forcer une majorité parlementaire inexistante. En refusant de désigner une Première ministre issue du camp arrivé en tête dans les législatives qu’il avait lui-même imposées, Macron persiste dans sa tentative de de forcer les institutions. Même s’il a dû finalement reconnaître que les Français avaient manifesté une volonté de changement politique, il ne peut admettre qu’un gouvernement qui ne serait pas sous ordres « détricote » ses réformes, celle des retraites en tête. C’est-à-dire celle qui a été rejetée par l’immense majorité des Français dans la rue comme dans les urnes.

Comme aucune majorité de droite ou du centre n’est envisageable, le petit Président continuera certainement à tout faire pour brouiller les cartes et tenter de diviser et d’affaiblir la gauche. Nul doute qu’il cherchera pour cela des supplétifs qui ont déserté leur camp. Mais cela ne changera sans doute rien à l’affaire. Il s’agit seulement pour le reclus de l’Élysée de gagner du temps et de s’accrocher le plus longtemps possible à des prérogatives qui ne lui appartiennent pas. En refusant jusqu’au bout de reconnaitre sans restriction le résultat des urnes, Macron endosse une immense et double responsabilité : celle de dévaloriser le processus électoral et celle de discréditer les institutions. Ce sera, dans l’immédiat, tout bénéfice pour les populismes et l’extrême-droite. Mais cela peut aussi achever de convaincre les Français qui n’en peuvent plus de cette monarchie républicaine de revendiquer une profonde refonte démocratique des institutions.

Reste l’attitude qu’adoptera désormais la gauche. Après l’habile manœuvre de Jean Luc Mélenchon qui en proposant de renoncer à des ministres Insoumis a obligé le chef de l’État à se dévoiler un peu plus et l’ensemble de la gauche à manifester collectivement la condamnation à son égard, le moment est décisif pour la préservation de l’unité du NFP. Après avoir jeté l’exclusive contre LFI et tenté une nouvelle opération de débauche des partis de gauche dits « de gouvernement », une réaction s’impose. Logiquement elle ne pourra que se radicaliser. LFI a annoncé pour le 7 septembre une manifestation contre le « coup de force » présidentiel et revient sur sa proposition de motion de destitution. Pour le PCF, Fabien Roussel suggère « une grande mobilisation populaire » et manifestera comme la secrétaire des Verts Marine Tondelier. Les Socialistes sont profondément divisés et au bord de la rupture. Si Olivier Faure pourrait manifester, l’aile droite du parti, elle, veut poursuivre la discussion avec Macron pour la formation d’une majorité avec la droite et le centre. L’université d’été du PS se déroule de ce jeudi à dimanche à Blois, elle sera animée… Mais tout cela ne fera que confirmer les profondes divergences au sein d’une gauche dont l’aile hollando-Gluksmanienne n’a finalement jamais eu l’intention d’appliquer le programme du NFP.

Le 28/08/2024 (12.00)

 

 

 

 

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5 réponses à Le coup de Macron-le-petit

  1. claude semal dit :

    Hello Hugues, je partage évidemment ton avis sur la scandaleuse attitude de Macron-le-petit. Mais je suis plus sévère que toi sur l’aile « droite » du PS.
    Le projet social-démocrate, même à la sauce centriste, a sa cohérence, et je ne condamne pas par essence ceux qui s’y abandonne.
    Mais en cette circonstance, entrer un temps soit peu dans le jeu macroniste, alors qu’il vient de commettre un véritable coup d’état institutionnel, me semble une véritable outrage à la démocratie. C’est pourtant ce que s’apprête à faire je crois la « droite » du PS.
    Ainsi, après avoir fourni la moitié des cadres du macronisme au pouvoir, il se trouve encore des gens au PS pour vouloir gouverner avec lui ! Or si je peux admettre que certain·es ont sincèrement cru en 2017 à son prooojeeeet de « dépasser » « la gauche et la droite », il devrait être évident aux yeux de tous aujourd’hui que son son projet est de favoriser par tous les moyens la bourgeoisie, le capital bancaire et l’atlantisme – quitte à piétiner les principes démocrates les plus élémentaires (si les résultats d’une élection ne sont plus respectés, qu’est-ce qui peut encore la fonder ?).
    Comment des gens nés dans le giron du socialisme peuvent-ils encore participer aujourd’hui à une telle trahison ? Et quelle « merde » idéologique certains cadres du PS ont-ils aujourd’hui dans la tête pour s’abaisser à ce genre de « compromis » ?

    1. Hugues Le Paige dit :

      Cher Claude, il ne semble pas être moins sévère que toi…

  2. Moulin Jean dit :

    Cher Hugues, belle et juste chronique des dernières intrigues et manœuvres antidémocratiques, à la limite du coup d’Etat institutionnel, de celui qui mérite sans hésitation de s’appeler Micron (pour rappel, le micron équivaut à un millionième de mètre, c’est vraiment tout petit). Dans le contexte de tripartition actuel du champ politique, la gauche n’est certes pas en situation idéale pour gouverner, mais l’est-elle jamais lorsqu’elle est décidée à appliquer un programme résolument de gauche. Il faut espérer que l’aile social-démocrate droitière du PS ne parviendra pas à casser le NFP. Elle signerait ainsi une deuxième trahison dans la foulée de celle du quinquennat Hollande, et nous avons vu ce que cela a entraîné. Cette « clarification » pourrait paradoxalement renforcer la cohérence du NFP.

  3. Raf Verbeke dit :

    bonjour Hugues,

    l’ herbe n’ est pas plus vert a l’ autre cote.
    En 2010 en pkein crise euro des personnes de gauche belges allaient ecouter JLM et son discours pour la 6 me republique place de Bastille en cachant avec leurvtrain l’ autre train de la 6 me reforme de l’ Etat belge qui  » constitutionalisait » le TSCG qui nous a ete impose tous par Merkel et Draghi contre et au dessus de la democratie.

    Aujourd’hui meme chose apres la pandemie: des negociations et manoeuvres gouvernementaux dans ke cadre des normes budgettaires renforces afin de  » reformer ». Tant la reforme Macronique que la reforme que Vivaldi ont echoue et le peuple en France et celui en Belgique ont l’ unique occasion pour refonder l’ ordre constitutionel sur base duquel leurs democratie est base.
    Convoquons l’ assemble constituant belgo francais pour imposer un orocrssus de formation gouverbemental sur base de l’ une et seul fait: la plainte depose au Tribunal de l’ union Europeen a Luxembourg contre les  » normes de Gand » qui sont base des negociations tant en Belgique que en France.

    ceux qui veulent le recours m’ envoie un mail

    Rafverbeke1956@gmail.com

  4. Gheude, michel dit :

    Aux législatives anticipées, la France vote « front républicain » contre le RN. Il est donc logique de former un gouvernement Front Républicain dont la formation serait confiée au NFP arrivé en tête. Mais le NFP refuse d’élargir sa coalition pour atteindre la majorité au parlement. Il veut un gouvernement minoritaire. Tous les autres partis lui disent qu’ils voteraient immédiatement la censure. Donc cette formule n’est pas possible. Le chef de l’état en prend acte. Le NFP crie au coup de force anti démocratique, illiberal etc. C’est gonflé. La règle de la démocratie c’est de former un gouvernement qui a une majorité au parlement ou qui a minima ne sera pas censuré par l’opposition. Si on refuse ces deux options, on s’exclut soi même du jeu. Pour LFI c’est sans doute logique mais pour les trois autres c’est insensé. Qui ne voit pas que la fracture actuelle du Front Républicain sert avant tout le RN qui engrange les mains dans les poches au bord de la piscine sans rien faire ? Il faut unir le front républicain. Sur quelle base ? Évidemment pas sur la base du programme des uns ou de celui des autres. Mais sur un programme qui empêchera le RN de s’imposer aux présidentielles (avec si possible une candidature unique contre lui dès le premier tour). Tout le reste est pain béni pour LePen.
    Ps: une médaille pour les LR qui refusent comme impossible et immorale une coalition avec le Centre alors qu’ils ont systématiquement gouverné en coalition avec lui chaque fois qu’ils ont été aux affaires)

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