Matteo Salvini ne quitte plus l’uniforme. Sa garde-robe regorge désormais des habits de toutes les armes de la police qu’il enfile en fonction des circonstances, n’hésitant pas à les agrémenter des insignes de différents grades supérieurs. Au début, le ministre de l’Intérieur de La Lega tenait avant tout à affirmer sa solidarité policière et répressive sur les lieux de telle ou telle tragédie. Désormais, l’habit du gendarme est son look quotidien qu’il aille visiter le chantier du TGV Lyon-Turin dont il veut, contrairement à son allié Di Maio, l’aboutissement des travaux où qu’il fasse une incursion au Parlement qui ne tolère pourtant pas l’uniforme en ses murs ou même, comme dimanche dernier, qu’il assiste à la partie Roma-Milano. L’affaire pourrait paraître anecdotique, au chapitre des provocations permanentes d’un homme qui affiche chaque jour un peu plus un fascisme de moins en moins rampant. Elle témoigne de la conception autoritaire des rapports que Salvini entretient avec l’État et la démocratie.
Chaque jour le ministre de l’Intérieur transgresse la loi : qu’il empêche des réfugiés de débarquer des navires qui les ont secourus ou qu’il décrète la fermeture des ports italiens ou encore qu’il ferme des centres d’accueil et formation, jetant dans la rue des réfugiés en attente de régularisation ou disposant de visas humanitaires. Peu lui importe. Comme Berlusconi jadis, il estime que le leader choisi par le peuple est au-dessus des lois et n’a pas à se plier aux injonctions des juges « qui n’ont été élus par personne ». Et comme Berlusconi jadis — mais avec encore plus de violence — Salvini fait de son affrontement avec la justice un argument électoral. Le Sénat doit se prononcer dans les prochains jours sur l’autorisation à procéder contre le ministre de l’Intérieur, comme le lui demande un tribunal de Catania pour « séquestre de personnes » dans l’affaire du garde-côte « Diciotti ». Salvini avait refusé le débarquement des réfugiés sur le sol italien au nom de « la défense de la patrie ». Outre les propos racistes qui émaillent sa communication, il pratique au quotidien la confusion des pouvoirs. Jamais depuis le régime mussolinien, l’Italie n’avait connu de telles menaces sur l’État de droit.
Mais Salvini joue sur du velours. La gauche tétanisée a disparu des écrans de radars politiques. L’opposition modérée ou radicale est inaudible. Et, comme l’indiquent les derniers sondages, la majorité des Italiens (58%) souhaitent un «homme fort » au pouvoir. De plus, malgré ses divisions et sa fragilité, le gouvernement Salvini-Di Maio n’a jamais été aussi populaire : 60 % de confiance. Mais le rapport de force interne s’est inversé : la Lega domine désormais de la tête et des épaules ses alliés des 5 Stelle condamnés au suivisme, y compris sur le terrain du racisme. Et, en attendant l’échéance européen du 26 mai, Matteo Salvini possède une arme de destruction électorale massive : un scrutin anticipé…
Tout ce qui est dit ici me rappelle le livre majeur de Jean-François Revel : » Comment les démocraties finissent », en 1983 je crois bien. A l’époque il fut considéré comme un néo conservateur, répudié par la gauche, dont il venait pourtant, lui l’ancien résistant, et aussi féroce destructeur de la mythologie gaulliste. Il s’était aussi opposé à l’idée du salut par un homme prétendument providentiel.
Or il fut prophétique, et de manière éblouissante. Mais hélas il tombe dans l’oubli. Décidément la seule leçon de l’histoire est que les leçons de leur histoire ne sont jamais tirées…
Judicieux rappel, à l’heure où – hasard du calendrier – son fils Matthieu est dans nos murs.
JF Revel a effectivement traité de la « tentation totalitaire » dans plusieurs ouvrages. Mais il n’ a pas été « répudié » par la gauche, c’est lui qui s’en s’est séparé à partir de 1970 et surtout de 1972 à la signature du programme commun. Il reprochait à François Mitterrand de se soumettre au PCF. Ce en quoi il s’est évidemment trompé… Par la suite Revel s’est positionné très à droite sur certaines questions de politique internationale, notamment. Ce qui était évidemment son droit. Dans les années 60, Revel se situait très à gauche. Il avait signé, en 1961, le Manifeste des 121 qui se prononçait ne faveur de l’insoumission dans la guerre d’Algérie. Bon connaisseur de la péninsule, il avait publié en 1958 un stimulant « Pour l’Italie ». C’était, par ailleurs, un homme d’une très grande érudition, doté d’une ironie féroce avec qui j’ai eu grand plaisir à débattre en quelques occasions.
En etanr simplement confronte a la circulation dans Milan, en ’91-’92, je m’etais permis de dire a des collegues (chercheurs) italiens que ce pays semblait destine a l’anarchie ou au fascisme. Meme s’ils n’avaient pas mal reagi, je croyais avoir ete excessif. Pas tant que ca, helas !
Si vous faites allusion à la montée du phénomène Berlusconi dans ces années là à Milan, je vous suivrai volontiers. Mais je ne tirerais pas hâtivement de conclusions idéologiques de la manière de conduire des Milanais…