« Embrouillement, flottement ou indétermination » : la langue française est riche de mille mots pour évoquer l’atmosphère qui domine à trois jours du premier tour de ces élections législatives. Cela ne veut pas vraiment dire « incertitude » quant à la victoire prévue de la gauche mais cela indique les incertitudes qui président aux prévisions. En résumé : tous les sondages annoncent une majorité relative au PS qui aura sans doute besoin pour gouverner de ses alliés, plus ou moins accommodants selon les cas. Une grande inconnue : la participation qui commande le résultat final. Une constatation générale : une mobilisation incertaine tant du côté des vainqueurs présumés, le PS, que chez des perdants annoncés, l’UMP, et, par contre, une motivation nettement plus marquée chez ceux qui doivent se battre pour leur représentation qu’il s’agisse des Verts, du Front de Gauche ou du Front National.
Photo Raymond Depardon-Magnum-La Documentation Française
En dehors de la petite sortie provocatrice de Cécile Duflot sur la légalisation du cannabis qui offre du grain à moudre à la droite, il n’y a rien de bien neuf en cette fin de campagne un peu languissante. Permettez donc un mot sur une image qui va régner pendant cinq ans dans tous les lieux sacrés de la République, je veux parler de la photo officielle du Président Hollande. Extérieur jour dans le jardin de l’Elysée réalisé par un des meilleurs photographes et documentaristes contemporains, Raymond Depardon, grand observateur de la France rurale. Déjà la presse et le net regorgent de commentaires en sens divers et en détournements divergents. « Photo d’amateur », se sont écriés quelques commentateurs peu inspirés du microcosme parisien. Car avec son antique et classique Rolleiflex, au fameux format carré 4X4, Depardon a réussi la photo pas banale du président normal. Sans doute la moins stéréotypée et la moins solennelle des présidents de la Ve République. François Hollande vient vers nous, à notre rencontre. Cadré a mi-jambes, bras et mains visibles, dans une position où le corps en mouvement, un peu hésitant et bien vivant, est fixé par le photographe. Il est dans l’ombre, doucement éclairé tandis qu’à l’arrière plan une lumière écrasée, légèrement brûlée enlumine le palais et les drapeaux français et européen. Le contraste situe la place de l’homme et celle de la fonction. Depardon rappelle qu’il n’est pas portraitiste et qu’il a pris l’image comme un paysage, un paysage de la France. Bien vu, bien joué !