Silvio Grillo et Beppe Berlusconi

La terre ne cesse de trembler, des bombes éclatent à nouveau, le chômage bat tous les records, des entrepreneurs se suicident, les affaires n’épargnent ni le Vatican ni le Calcio…en cette année 2012, l’Italie vit une atmosphère de fin de siècle. Et comme pour incarner cet air délétère, les récentes élections municipales ont vu la percée du bouffon de l’antipolitique, Beppe Grillo. Le « Movimento 5 stelle » (Mouvement Cinq Etoiles) qu’il a inspiré est arrivé en 2eme ou 3eme position dans plusieurs villes importantes lors du premier tour des municipales et a même remporté quelques mairies, dont celle de Parme, grâce, il est vrai, au bon report des voix de la droite. Selon un sondage, il deviendrait le deuxième parti de la péninsule avec 18,5 % des intentions de vote en vue des prochaines législatives de 2013. Ces élections ont par ailleurs été marquées par l’écrasement du Parti de la Liberté toujours orphelin de Silvio Berlusconi. La Ligue du Nord s’est délitée, victime des scandales qui entourent son fondateur et sa famille. Le centre gauche a, lui, enregistré de bons résultats mais souvent grâce à des candidats qu’il n’avait pas choisis et qui lui avaient été imposé par les primaires. Mais le Parti Démocrate reste profondément divisé, lui aussi sans un leader incontestable et surtout sans véritable projet. Le gouvernement Monti est toujours sans alternative. Alors le bouffon occupe le terrain…


Beppe Grillo avait déjà inventé le « V-Day » (Le « Vaffanculo Day »), manifestation d’un antipolitisme qui n’avait plus connu autant de virulence en Italie depuis la création, après la guerre, du « Qualunquisme » (Le mouvement de l’homme quelconque, prémices du poujadisme à la française). Même s’il faut ajouter que par leurs dérives diverses, les partis politiques italiens ont largement nourri ce sentiment de rejet. Le Movimento 5 stelle se veut sans leader (mais son logo contient le nom et le visage de Grillo !) et sans structure, il travaille essentiellement en réseau et par internet. Pêle-mêle, il défend la démocratie directe et la transparence, veut lutter contre la particratie et la corruption et met en avant un certain nombre de revendications écologiques. Il charrie avec plus ou moins de naïveté tout ce qu’une société en crise peut faire émerger. Mais l’ambiguïté et les contradictions de cette « opposition anti-système » transpirent dans les déclarations de Grillo lui-même qui récemment encore affirmait – dans le désordre- que l’état tue plus que la mafia , que les opérations contre la fraude fiscale provoquent de la haine sociale ou quand il s’oppose à la proposition d’accorder la citoyenneté italienne aux enfants d’immigrés nés en Italie (au nom du droit du sol). La vraie nature du « grillisme »…

Ce n’est évidemment pas par hasard si le succès de Beppe Grillo succède au déclin de Silvio Berlusconi. Ils sont en fait les deux faces de la même pièce. Le comique a beau eu n’avoir cesse de pourfendre le Cavaliere quand il était aux affaires. Il a même pu paraître aux yeux d’une partie des Italiens (et parfois non des moindres) comme le parangon de l’anti-berlusconisme, il n’en était finalement que le produit, une sorte d’héritier bâtardisé. Car, chacun à sa manière, les deux hommes ont construit leur politique sur l’antipolitique qui est le fondement de leurs discours respectifs. C’est probablement là que l’on peut mesurer la force idéologique du berlusconisme qui a pu imprégner – et « travaille » encore -la société italienne. Berlusconi est certes – actuellement – à l’écart mais le berlusconisme a encore de beaux jours devant lui. Commentant la défaite de son parti au scrutin municipal, le Cavaliere a déclaré qu’il se voyait bien prendre les rênes d’un nouveau parti qui doit s’inspirer de la stratégie médiatique de Beppe Grillo. Alors pourquoi pas demain à la tête de cette nouvelle formation, Silvio Grillo et Beppe Berlusconi …

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