Vous avez noté le silence des Blogs de Politique sur la campagne ? Nous qui sommes si prompts à commenter l’actualité en tous genres à tous les moments de l’année, voilà qu’à un instant crucial nous nous abstenons (pas de voter, bien entendu !) de nous exprimer sur cet épisode doublement crucial. Doublement parce que personne ne doute que l’avenir institutionnel du pays et des régions sera déterminé d’une manière décisive par l’issue du scrutin. Et ensuite – on en parle beaucoup moins- parce que le gouvernement qui sortira des urnes devra prendre des décisions capitales pour faire face à la crise. Malgré les dénis de campagne, quel est l’acteur des partis de gouvernement qui doute qu’il appliquera une politique d’austérité ( rebaptisée sous n’importe quel vocable ) en dépit des risques énormes que celle-ci fera prendre aux possibilités de relance économique et aux injustices sociales qu’elle provoquera. Or le débat sur l’austérité comme celui sur le financement des retraites est déterminant pour l’évolution de la structure inégalitaire du système. Qui propose plus d’égalité (ou moins d’inégalité) ? La question est à peine posée et, en tous cas, pas creusée au-delà des affirmations de principes et des promesses de campagne. Et on ne distingue pas une alternative politique, une modification des rapports de force telle que le cours « naturel » (celui du capitalisme et des « marchés ») des choses puisse en être changé.
L’impasse institutionnelle et l’horreur économique – et l’apparente impossibilité d’y échapper -ont-elles- eu sur nous [[ Je dis « nous » ici à propos des Blogs de Politique pour souligner nos propres contradictions mais elles valent bien au-delà de notre revue.]]
un effet tétanisant ? Sans doute. J’avouais hier encore, au cours d’une discussion, que pour la première fois, à la veille du scrutin, je ne savais toujours pas pour qui voter. Il m’est arrivé souvent d’hésiter ou de « panacher » entre les partis progressistes mais jamais d’être dans une telle incertitude. Sur le plan institutionnel le PS et Ecolo sont incontestablement les seuls partis francophones capables d’être des interlocuteurs crédibles pour les partis flamands tout en défendant les intérêts légitimes des francophones. Mais pour le reste …. Certes le PS continue de défendre les fondamentaux des droits sociaux (ce n’est pas rien ) mais malgré la longévité de sa participation gouvernementale, il tient un discours comme s’il ne portait aucune responsabilité dans les dérives libérales des dernières décennies. Ecolo est toujours porteur d’une certaine spécificité mais semble avoir de plus en plus de mal à se situer réellement sur le plan politico-idéologique sans compter les « javauteries » qui ont porté atteinte à sa crédibilité. Le « Front de gauche » a le mérite d’affirmer un anticapitalisme de bon aloi mais cet équipage hétéroclite et de circonstance manque évidemment de cohérence. Le PTB mène une campagne dynamique avec un programme réformiste affirmé et très proche des revendications syndicales mais il ne se dépare pas d’un certain populisme et n’a toujours pas soldé son marxisme léninisme originel.
Voilà les termes de l’équation pour un électeur de gauche partagé entre le sempiternel devoir du « moindre mal » et la volonté d’affirmer une opposition radicale à la toute puissance des « marchés ». Vous aurez compris que les termes de l’équation sont aussi ceux du doute et du désarroi face à la faiblesse des projets politiques et la difficulté d’adhérer pleinement à l’un d’eux. Comme beaucoup d’électeur (40 % selon un dernier sondage paru ce 10 juin !), j’hésiterai donc jusqu’au moment d’entrer dans l’isoloir.
Dans « Aprile », Nani Moretti souffre face à la vacuité du discours du président de l’époque du Parti démocrate. Face à son téléviseur il interpelle Massimo d’Alema : « D’Alema dis quelque chose de gauche, dis quelque chose de gauche…dis quelque chose… ». On a partagé quelque chose de cette souffrance durant cette campagne. Et c’est sans doute pour cela que nous avons tant de difficulté à nous exprimer. Malgré cette faiblesse et ce désarroi, on finira évidemment par choisir…