Primaires italiennes : les paradoxes de l’antipolitique

Le premier tour des « primaires » organisées ce dimanche par le centre-gauche italien est riche d’enseignements…contradictoires. Plus de trois millions de participants, c’est moins que lors des exercices précédents (notamment celui qui, en 2005, avait désigné Romano Prodi comme candidat président du conseil et avait mobilisé quatre millions d’électeurs) mais c’est une participation surprenante. En particuliers en ce temps où l’antipolitique triomphe dans la péninsule : il suffit de rappeler que, selon différents sondages, moins de 5 % des Italiens font encore confiance aux partis politiques et que le mouvement des « Cinq Stelle » promu par le comique poujadiste Beppe Grillo a non seulement remporté des succès significatifs lors de récents scrutins locaux mais que les mêmes sondages lui président un score de plus de 20 % aux prochaines législatives du printemps 2013. L’écho rencontré par Grillo dans sa haine du politique est sans doute le dernier avatar du berlusconisme dont il est le miroir inversé mais il témoigne de la profondeur du désarroi politique qui s’est emparé des Italiens. Sans oublier, enfin, que l’Italie est gouvernée depuis plus d’un an par Mario Monti et ses « professori » certes moins populaire qu’à ses débuts mais sans alternative immédiate.


Une participation étonnante…

Dans ce contexte donc, l’importance de la participation à ces primaires est remarquable. Mais le résultat de celles-ci n’est pas exempte de contradictions et s’inscrit, d’une certaine manière, dans l’antipolitisme ambiant. Notamment si l’on considère le très bon score de Matteo Renzi, le jeune maire ( 37 ans- Parti Démocrate) de Florence qui veut incarner la volonté de changement des Italiens à travers un discours qui n’a plus grand-chose de commun avec celui de la gauche ou du centre gauche historique ( il conteste d’ailleurs la validité de la traditionnelle opposition gauche/droite). Renzi arrive en deuxième position avec près de 36 % des suffrages à 9 points seulement du secrétaire général du PD, Pierluigi Bersani (près de 45 %) et devançant nettement le candidat de la Gauche « Socialisme Ecologie Liberté »(SEL), Nicki Vendola qui totalise près de 16 % des suffrages et enregistre de bons résultats dans le Sud mais ne figurera pas au second tour de ces primaires. Le maire de Florence, jeune loup issu des milieux catholiques, est un libéral social qui se revendique de Blair et Obama. Il n’hésite pas à faire appel aux électeurs du centre droit pour renforcer sa position au sein du PD.


Renzi « le rottamatore »

Il a imposé sa candidature aux primaires en lançant une campagne très agressive sur le thème de la « rottamazione » (expression utilisée pour la mise à la casse des vieilles voitures mais appliquée ici à la l’ancienne génération des dirigeants du PD) qui a connu un succès certain. Renzi, excellent communicateur a donc revêtu les habits d’un modernisateur générationnel jouant sur un « jeunisme » qui limite considérablement l’objectif du « changement » et qui n’a pas hésité à surfer sur la vague de l’antipolitique. Mais les résultats sont là : le succès de Renzi est incontestable et il engrange des scores très élevés dans le Nord et le Centre de l’Italie, notamment dans des régions « rouges », comme la Toscane et l’Ombrie.


Bersani : gagner des voix à gauche ?

Le second tour ces primaires aura lieu dimanche prochain. Il mettra aux prises Renzi, le « rotomatore » et Bersani qui incarne un centre gauche historique mais lui aussi, déjà largement teinté de social libéralisme. Pour l’emporter, le secrétaire général doit gagner les voix de la gauche tout en ne rejetant pas la volonté de la (pseudo) modernisation du parti et des pratiques politiques. Il sera intéressant d’observer les concours que demandera et obtiendra Renzi pour ce second tour et si la mobilisation à la quelle il a nettement contribué sera confirmée. Mais il a déjà gagné son pari en se créant un espace politique national qu’il pourra développer au sein – ou en dehors ? – du PD. Pour ce dernier, on assiste sans doute à la fin d’un cycle. Au cours des ses mues successives, le centre (gauche) s’est dépouillé progressivement de l’héritage du PCI. Même si la logique est respectée et que Bersani l’emporte dimanche prochain, la capacité contestatrice et alternative du PD sera sans doute encore un plus émoussée. Et l’héritage d’une politique réformiste qui avait l’égalité pour valeur de base, un peu plus menacé.

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