La cohorte sans fin des candidats de gauche à la présidence de la république (ou des plus modestes candidats à la candidature) était contrainte à un choix cornélien de stratégie médiatique. Comment bénéficier d’une bonne « fenêtre » de communication avant que les « grands » candidats de toutes tendances n’occupent le terrain. Ce qui est désormais le cas avec la déclaration de candidature de Nicolas Sarkozy qui lance sa campagne sous le triple signe de l’identité, du sécuritaire et de l’Islam, terrain qu’il disputera à Marine Le Pen…et à Manuel Valls (au cas où…).
Ainsi donc les Hamon, Duflot et Montebourg devaient se déclarer sans plus attendre. C’est chose faite. Sans doute avaient-ils omis de tenir compte de l’actualité olympique boostée par les médailles françaises. La candidature Duflot fut donc annoncée en trois lignes en fin de journal sur FR2. Et hier, le champion du « redressement productif » dut attendre 25 minutes avant que les caméras de FR2 ne veuillent bien nous faire (re)vivre à Frangy-en-Bresse le contentement de soi, à nul autre pareil, de l’auteur du « Projet France ». Au moins Jean Luc Mélenchon, parti le premier et en solitaire, dès le 10 février dernier, n’avait-il pas ce genre de soucis. Spécialiste du cavalier seul, véritable homme de campagne (et sans doute seulement un homme de campagne), il planait sur des sondages qui le mettaient en passe de dépasser François Hollande.
La pléthore de candidatures à gauche – il faut encore compter avec celles de Gérard Filoche et de Marie-Noëlle Lienemann sans en exclure d’autres – constitue d’abord un rejet absolu d’une candidature Hollande : c’est bien le (seul ) point commun des différents impétrants. Elle témoigne de la déliquescence absolue du PS qui ne peut plus masquer son éclatement et offre le spectacle d’un champ de ruines jamais atteint depuis la fin de la SFIO. Mais cette multiplication de destinées présidentielles illustre aussi la profondeur de la crise politique et idéologique de la gauche française, socialiste d’abord mais pas exclusivement. Certes, on peut rejoindre les candidats dans la condamnation des politiques d’austérité et de régression sociale menées par le trio Hollande-Valls-Macron (même si certains d’entre eux y ont apporté leur pierre à un moment ou l’autre) et on peut trouver telle ou telle démarche sympathique ou courageuse mais ce qui frappe c’est l’absence totale de projet politique collectif. Les candidatures sont solitaires, personnelles ou au mieux soutenues par une écurie présidentielle plus ou moins fournie en affidés. La réflexion programmatique semble paralysée, l’analyse stratégique absente et la tactique électorale déniée. A neuf mois du scrutin de 2017, une voie royale est offerte à la droite la plus radicale et à l’extrême-droite.